Année 1867 |
9 janvier 1867
Alfred de Falloux à Victor de Persigny
Bourg d’Iré, 9 janvier 1867
Mon cher ami,
Vous avez du recevoir à Chamarande1 une réponse courrier par courrier dans laquelle je me mettais, soit directement, soit indirectement, à votre disposition pour la question dont vous m’aviez parlé le premier. Vous n’y avez pas donné de suite et je n’en ai pas été étonné, car je crois que les choses ont été amenées au point où une solution favorable n’est plus au pouvoir de personne. Néanmoins, je tiens à bien constater ma réponse, pour qu’au fond même de votre cœur vous ne vous disiez pas que les meilleurs d’entre nous jouent au pessimisme.
Aujourd’hui, je vous envoie, en même temps que cette lettre, deux extraits du Correspondant que probablement vous ne recevez pas. Je souhaite que vous ayez le temps de les lire, et qu’en les lisant vous vous dégagiez momentanément de tout partis pris, comme j’ai voulu le faire et comme je crois l’avoir fait en les écrivant. Il y a trop longtemps que nous n’avons causé ensemble à fond pour que je puisse pressentir quel est en ce moment l’ordre de vos idées et de vos prévisions. Je ne sais si vous êtes sous l’empire, qui ne vous était pas naturel, de cet enivrement du pouvoir et de ce profond mépris à la contradiction par lesquels tous nos gouvernements se sont perdus et nous ont perdus depuis soixante ans. En tous cas, mon cher ami, que vous m’accordiez ou non une place dans vos méditations, j’aurai toujours rempli un but qui m’est très agréable en vous témoignant mon vieux souvenir ; il vous est très fidèle quoique fort attristé en voyant combien vous même êtes loin de vos propres espérances et nous tous menacés dans un avenir peut-être très prochain.
Mille amitiés en tous cas.
Falloux
1Situé dans l'Essonne, dans la commune du même nom, le château de Chamarande, était depuis 1857 propriété de Victor de Persigny.
