Année 1854 |
8 novembre 1854
Victor de Persigny à Alfred de Falloux
Paris, Hôtel de Londres, rue Castiglione 8 novembre 1854
Je suis honteux, cher ami, de ne vous avoir pas encore répondu. La véritable raison de ma négligence n'est pas tout à fait la paresse; mais l'espérance que j'avais de pouvoir aller vous voir, espérance que je vois s'éloigner chaque jour davantage à cause de certaines préoccupations de famille. J'ai bien vivement regretté de n'avoir pas su votre présence à Paris. C’eut été un grand bonheur pour moi de vous voir. Et malheureusement je crains bien que vous ne veniez de longtemps à Paris. Dites-moi si vous ne comptez pas faire un nouveau voyage.
Je suis depuis ma sortie du ministère dans une situation de plus en plus pénible. Les intrigues qui m'ont forcé de donner ma démission ont eu beau jeu point quand j'ai eu quitté la position. Elles ont tant fait que je suis maintenant dans la situation la plus délicate vis-à-vis de l'Empereur que je n'ai pas revu et que je ne reverrai probablement plus pour peu que ces intrigues aient encore quelques temps le dessus. Je n'ai pas besoin de vous dire combien je souffre de cet état de choses. Ce qui me console c'est que j'ai la conscience d'avoir fait mon devoir en disant la vérité à l'Empereur et en ne voulant être le complaisant, le complice d'aucun souillon. Fais ce que Dieu est advienne que pourra, est après tout la meilleure devise.
J'espère, cher ami, que vous êtes maintenant tout à fait bien portant ainsi que votre femme. Présentez-lui l'hommage de mes sentiments les plus dévoués et donnez- nous de vos nouvelles. Vous savez combien ma femme vous admire et combien elle serait heureuse de faire la connaissance de Madame de Falloux. Pensez un peu à nous dans votre belle retraite et écrivez moi souvent. Je vous promets de ne plus être paresseux. Aussi bien je n'aurais plus d'excuses. Adieu cher ami croyez à ma plus sincère et plus profonde amitié.
F de Persigny
