CECI n'est pas EXECUTE 1er Octobre 1853

Année 1853 |

1er Octobre 1853

Alfred de Falloux à Francisque de Corcelle

Caradeuc, 1er octobre 1853

Je vous écris dans la chambre d'autrui et à la hâte.

Cher ami,

Vous dédommagez si bien des privations que vous imposez qu'on se trouve encore obligé de vous remercier au moment même où on se croyait le droit de se plaindre. Je trouvais bien fort long votre silence, et j'en étais tout désolé ; ce matin je me trouve fort ingrat et je me demande où j'avais le cœur lorsqu'il songeait à murmurer contre vous! Pardonnez-moi donc et surtout continuez ce que vous avez si bien commencé. Cette prompte lettre en annonce deux autres, et ces deux autres sont pour moi la clé de tout un monde en même temps que le gage d'une des confiances et d'une des bontés qui me sont le plus chers en ce monde.

Mon accident n'a eu aucune suite grave, mais les indispensables sangsues m'ont laissé un peu de faiblesse, mal soignée dans le premier moment parce que je suis venu ici le plus vite possible afin d'y arriver avant les alarmes exagérées. J'ai réussi dans ce but grâce à Dieu, et j'ai trouvé par surcroît tout mon monde en excellent état. Lundi, après demain, nous retournons tous au Bourg d’Iré et pour n’en plus bouger de l'hiver. C'est vous dire, cher ami, avec quelle impatience vous allez y être attendu! Ma femme a bien vivement senti le regret de vous avoir manqué et je ne l'ai jamais consolée que par l’espérance que vous venez me confirmer ; ne nous trompez donc pas, je vous en supplie! Mes mes convives sont guéris, leur ouvrage vous le prouvera quand ils vous reverront.

Je ne me déguise rien sur les difficultés au sujet que j'ai entrepris, mais ces difficultés mêmes, cher ami, ont aussi leur séduction. A quoi bon avoir l'indépendance de la fortune et les douces jouissances de la retraite si ce n'est pour en faire profiter la vérité aux dépens, s'il le faut, de celui qui l'aura dite! Toute la question est donc dans la manière de servir la vérité; trop tôt peut nuire trop tard rend toute inutile? Voyez si dans ces deux points d'interrogation, il n'y a pas de quoi bien employer les bonnes soirées d'hiver que vous, vous promettez ! En attendant je vais travailler ne fût-ce que pour que vous payez plus d'éléments pour votre jugement.

Je suis à la recherche d'un secrétaire intelligent et sûr que que mois à la campagne, dans la plus triste saison, n'effraieraient pas. Connaissez-vous ce Phénix? Nous lui rendrions la vie la moins dure que nous pourrions.

J'ai toujours porté dans mon souvenir le Saint-Augustin et la sainte Monique de Scheffer1, c'est aussi la première satisfaction que je me sois accordée en ce genre, mais les obstacles semblent s'accumuler à l'encontre : d'abord le consentement de la peine que Scheffer a cru convenable de demander n'arrive pas; ensuite Savinière dont j'avais été fort content, m'a fait depuis mon départ, de petits tripotages qui me semblent avoir indisposé Scheffer. Il a été lui dire qu'il ne pouvait copier seul et se ferait aider, ce à quoi Scheffer s'est refusé: puis, il m'avaitdemandé 1200 fr pour le Saint-Augustin et un <Illisible>.

Je les avais accordé sans l'ombre d'une observation, il a été redire à Scheffer que je lui donnerai 400 francs pour le Saint-Augustin et 800 francs pour St. Bruno, partage que l'auteur a naturellement trouvé fort mal fait. Saviniere s’en est justifié près de lui en me demandant 1000 francs au lieu de 400 francs, je les lui accorde sans aucun reproche, mais je voudrais du moins que Scheffer ne demeura pas de mauvaises humeur et que sa copie put commencer. Voilà où j'en suis, en savez-vous plus? Y pouvez-vous quelque chose? 

Vous voyez que je ne réponds à rien de votre bonne et si intéressante lettre sur amitié je n'en aurai pas encore très bien la force, ne me punissez donc pas.

Merci mille fois d’avoir aimé un peu le Bourg d'Ire, rien ne m'est plus sensible

 

 

 

 

 

1Ary Scheffer, frère d’Arnold, est un peintre qui a représenté sur une tableau exposé au Salon de 1846 la relation spirituelle unissant Saint-Augustin et Sainte Monique, d’après ses Confessions.

Scheffer, Arnold (1796-1853), proche de Lafayette, il était l'auteur De l'état de la liberté en France.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «1er Octobre 1853», correspondance-falloux [En ligne], CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Année 1853, Année 1852-1870, Second Empire,mis à jour le : 30/01/2024