CECI n'est pas EXECUTE 29 janvier 1856

Année 1856 |

29 janvier 1856

Francisque de Corcelle à Alfred de Falloux

Essay (Orne), 29 janvier 1856

Mon cher ami, depuis près d'un mois je suis souffreteux. J'ai été atteint d'un flux de sang, à l'extrémité opposée du <mot illisible>, avec accompagnement de forte migraine et d'une certaine dolance. Mes infirmités de Gaëte1 avaient ainsi débuté; mais mon médecin, je le crois, que n'étant plus exposé, comme il y a 4 ans, à l'influence du soleil de juillet en Italie, et à d’excessives fatigues, le résultat me sera salutaire. Il m'a prescrit des astringents tempérés par des applications de sangsues et grand repos. Vous voyez comment j'ai manqué à mon engagement vis-à-vis de vous; mais je vais profiter de mon mieux pour m'acquitter. Comme vous, je pense que la razzia de Montant n'est qu'une préface qui concorde avec le vote de l'Université fédérale de Suisse et les projets du Piémont. Le Moniteur a exposé avec éloge avec éloge le rapport Suisse sur cette nouvelle université destiné à former des prêtres tolérants et bons citoyens, expressions empruntées aux œuvres de notre Empereur (p. 103, 3eme vol de la publication de 1848). Ainsi, je conviens de l'opportunité tout en persistant à reconnaître l'extrême difficulté du sujet général. J’ai utilisé l’ajournement de mon retour à Paris en m'occupant des bons à renouveler pour le mois de mars, et <mot illisible) pendant que la saison le permet. Cela faisait partie de mon régime. Barberey2 m'a mis aux prises avec un article qui rectifie mes allées et me trace des motifs sur une étendue de mouchoirs de poche
Quoique solitaire, je reçois de fréquentes informations : le désordre des Finances est égal aux glorifications de M. Bineau3. La captation des masses s'accroît avec les embarras intérieurs et extérieurs. La propriété en fera les frais dans des proportions incalculables, car plus il y a d'embarras et plus il faut capter. Les reconstructions de Paris4 deviennent effrayantes. On ne doute plus de la nécessité de créer des ressources extraordinaires. L'aliénation des 600 millions de biens fonds des hôpitaux et établissements de charité est un des expédients dont on parle.
L'État aurait le capital et ferait 4 % d'intérêt aux établissements dépossédés. D'un autre côté, Barb[erey]. m'écrit qu'un de ses amis a été dernièrement en députation, avec plusieurs propriétaires fonciers, auprès de M. de Persigny pour réclamer contre l'inégalité du régime fait au Houilles et aux bois au détriment de la valeur de ceux ci. "Rassurez-vous, a dit le ministre, le Conseil d'État est saisi d'un projet qui supprime la plupart des taxes sur les matières premières pour les remplacer par un système de taxe somptuaire".

 

 

Voici maintenant l'impression de Monsieur Guiz5 sur l'extérieur :

"Sans rien affirmer, il croit que la réponse du cabinet anglais sera pleinement et résolument hostile; que notre gouvernement suivra l'impulsion anglaise; que dans le courant de la semaine prochaine MM. Brunnow6 et Kisseleff7 partiront avec tout le personnel de leur légation et de leur nationaux.
D'autre part, vous pouvez considérer comme certains que les puissances allemandes ont formé entre elles une alliance offensive et défensive contre les agressions extérieures et pour le maintien de l'ordre au dehors; que toute insurrection éclatant, en Italie ou en Hongrie, serait réprimée non seulement par les troupes autrichiennes, mais par les forces réunies de la Confédération germanique. Il y a garantie mutuelle des possessions actuelles envers et contre tous, quels que soient les assaillants Russes, Français, démagogues allemands ou italiens; neutralité armée quant à la question d'Orient tant que les puissances belligérantes ne lui donneront pas un autre caractère"
Vous voyez, mon cher ami, que votre pressentiment de cet été était vrai. 1854 est une année solennelle. Les signes dans le ciel n'ont pas manqué. Aucune opposition à l'acte du 17 novembre ne s'est montré place Saint-Georges8 ni ailleurs. L'effet de la lettre Boismilon9 a été considérable à Paris.
Quand je songe à toutes les éventualités, je ne puis imaginer un lieu sûr et convenable pour la réunion de famille que je souhaite et dont on s'occupe sûrement. L'Angleterre est trop engagé dans les événements de guerre et on ne peut compter sur son respect habituel pour l'indépendance de ses hôtes. L'Allemagne peut cesser d'être neutre et alors... Le mieux serait de tomber d'une étoile et d'y habiter quelque temps.

Mais quelle étoile? Celle de la foi. "Homme de peu de fois, pourquoi craignez-vous? Et en même temps il commande au vent et à la mer, et il se fit un grand calme" Tel est l'évangile de ce jour. Amen et tendre amitié, sans oublier mes respectueux et très humbles hommages à Madame de Falloux. J'espère que votre chère fille va mieux.

F. C.

Vous pouvez faire parvenir ce que vous me destinée à Barb[erey]. rue d'Anjou, 66. Il a une occasion par Monsieur Druet Des Vaux qui est à Paris et doit me revoir à son retour. Je n'ai aucune impatience ni même aucun désir de prendre part aux impressions très vives de Paris. La réconciliation que j'ai désirée est accomplie. On ne peut donc rien d'utile en ce moment. Voilà ce que je me dis pour me consoler de mes sangsues et de mes plantations.

Vous sentez d'ailleurs que s'il y avait lieu, vous ne me reprocheriez ni la différence ni la paresse....

 

1Ville où le pape Pie V s’était réfugié après l’occupation de Rome par les nationalistes italiens. F. de Corcelle y avait été nommé ambassadeur de France en août 1849.

2Maurice Bailly de Barberey (1818-1889) et Hélène de Barberey, née de Roederer (1822-1898). Légitimiste, M. B. de Barberey est un fervent partisan du comte de Chambord qu’il rencontra à plusieurs reprises et dont il devint le correspondant politique pour la province de Champagne.

3Jean-Martial Bineau (1805-1855), ingénieur polytechnicien, il fut chargé de la direction des chemins de fer français au Ministère des Travaux publics. Né à Gennes, en Maine-et-Loire, il avait été élu député, de gauche, du département en 1841 (2ème collège d'Angers) et présidait le Conseil général. Entré dans le gouvernement de Louis-Napoléon Bonaparte, il sera nommé ministre des Finances dés 1852 et sénateur. Conseiller général du Maine-et-Loire de 1852 à 1855. Ayant quitté le gouvernement le 9 janvier 1855 pour raison de santé, il décédera quelques mois plus tard.

4Le préfet Haussmann a entrepris de vastes travaux urbanistiques en faveur de l’élargissement des voies de la capitale, entraînant d’importantes destructions et de constructions d’immeubles.

5Guizot?

6Brunnow, Philip Ivanovitch, baton (1797-1875), ambassadeur de Russie en Angleterre en 1840, il sera représentant du Tsar au Congrès de Paris en 1856.

7Kissellef (1788-1872), militaire et diplomate russe. Il est alors ambassadeur de Russie à Florence.

8Lieu de résidence d’Adolphe Thiers à Paris.

9Précepteur des enfants de la Duchesse d’Orléans, puis secrétaire du duc d’Orléans.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «29 janvier 1856», correspondance-falloux [En ligne], Année 1856, Second Empire, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Année 1852-1870,mis à jour le : 08/02/2024