Année 1854 |
27 décembre 1854
Louis Molé à Alfred de Falloux
Champlatreux, 27 décembre 1854
Mon cher ami, j'ai voulu réfléchir avant de vous répondre, et le premier résultat de mes réflexions c'est que je ne puis vous écrire, tout ce que je vous dirais. Les démarches que plusieurs de mes confrères ont fait auprès de vous depuis la troisième vacance sont très significatives. Elles ouvrent un nouvel horizon, nous avons maintenant mieux à faire qu'à contrarier une intrigue, sans autre avantage pour nous. Il y a une négociation à ouvrir, un traité à faire et des garanties à demander pour l'exécution de ce traité. Les paroles qui seront données, seront tenues je n'en doute pas. Mais ces paroles à elles seules ne formeront pas la majorité ; il restera en dehors des gens douteux comme toujours et qu'il faudra s'occuper d'acquérir. C'est de quoi vos bons amis devront s'occuper sans relâche et pourquoi il sera très nécessaire que vous habitiez Paris et soyez en communication quotidienne avec eux. Je ne puis vous dire à quel point je compatis et m'associe à l'ennui et au dégoût que vous devez éprouver. On ne conseille, vous le savez, que ce qu'on ferait soi-même dans la même position, eh bien je vous le déclare, ou je renoncerais à tout avec hauteur et dédain ou je n'épargnerais aucun sacrifice. C'est en pensant au Bourg d'Iré et à la douce et noble vie qui est la vôtre que je vous parle ainsi. Je suis désolé de ne pouvoir revenir à paris samedi comme vous paraissez le désirer, je n'y arriverai, à mon grand regret que le dimanche 31. Je ne sortirai certainement pas le soir ni ma fille non plus vous seriez bien aimable de venir nous voir de 8 à 10 heures. Je ne peux vous exprimer quelle impatience j'ai de vous retrouver, ma fille en vérité n'en a guère moins que moi car elle a pris singulièrement à cœur la lutte dans laquelle vous êtes engagé.
Je suis encore repris vivement de mes souffrances. En même temps que mes amis paris me rendra mon médecin, mais j'ai plus de confiance dans le bien que me feront les premiers, que dans celui que pourra me faire le second. A revoir donc, à dimanche soir n'est-ce pas ? Savez-vous que nous y comptons. Mille tendres amitiés.
Molé