Année 1860 |
29 octobre 1860
Alfred de Falloux à Charles de Montalembert
29 octobre 1860
Cher ami
Je suis honteux de ne vous avoir point encore adressé ma part des vives félicitations qui doivent vous arriver de toutes parts, mais hélas ! J'ai toujours le miel d'écran pour excuse. Une foule de virus se sont donnés rendez-vous au Bourg d'Iré à l'improviste, y compris d'anciens amis de Nice qui étaient venus apporter leurs enfants à l'évêque d'Orléans et il n'en a pas fallu davantage pour me mettre sur le flanc. Je dois vous dire pour votre gouverne future que votre épreuve ne m'est arrivée que le 21 et une lettre de Cochin qui m'interpellait de votre part n'est arrivée que le 22 ; je ne pourrai donc plus vous adresser aucune observation utile ; elle se serait bornée à deux nuances seulement. J'aurais mieux aimé vous voir dire à M. de Cavour1 qu'il était l'un des principaux coupables plutôt que le principal, le premier rang me semblait appartenir de droit à un autre. Je vous aurais demandé en même temps une légère modification à la phrase sur Venise, sans en altérer le sentiment, mais de façon à ce qu'on ne put pas dire : la guerre de l'année dernière s'est faite avec l'assentiment du P. Lacordaire et la guerre de cette année se fera avec l'assentiment de Monsieur de Montalembert. Vous comprenez du reste, cher ami, que le langage que je suppose là sera celui de la mauvaise foi, et ne ne vous en parle que pour le cas d'une réimpression e voir lettre sous une forme quelconque. Ce n'est absolument à mes yeux qu'une affaire de rédaction, car pour moi comme pour vous Venise est la partie la plus saignante de l'Italie, et il est en outre de bien bonne guerre de faire ressortir comme vous l'avez fait, le contraste de toutes les fanfaronnades piémontaises envers les faibles et de leur cauteleuse prudence envers les forts. Ceci dit pour valoir ce que de raison, j'ai hâte d'ajouter que non seulement l'applaudissement du Bourg d'Iré qui, entre autres hôtes, abritait Poujoulat2 à été unanime mais celui de mes voisins aussi. La duchesse de Fitz-James3 est venue hier avec Sosthene de La Rochefoucauld4 (le jeune) et leur enthousiasme ne faisait même pas les réserves sur je viens de vous indiquer en mon propre nom.
Maintenant, cher ami, je vous quitte pour reprendre un peu d'équilibre dans un peu de repos. J'ai des nouvelles de Mme de Lamoriciere d'hier au soir. Rien encore de décisif ni sur le retour de son mari, ni sur les résolutions du pape. On vient de m'envoyer ma brochure traduite toute entière dans un journal espagnol avec un en-tête qui l'élève au rang d'un manifeste européen. Cela doit-il donner à penser que l'Espagne se joindrait au mouvement de Varsovie ? En tous cas cela me fait insister de plus en plus près de vous pour que vous et moi nous n'ayons pas l'air d'avoir deux premiers coupables différents. À vous de tout cœur.
Alfred