CECI n'est pas EXECUTE 5 avril 1873

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5 avril 1873

Anatole de Ségur à Alfred de Falloux

Paris, 5 avril 1873

Cher Monsieur,

Augustin Galitzin m’a fait part des choses gracieuses et bienveillantes que vous avez bien voulu lui écrire au sujet de ma candidature hypothétique à l’académie. J’ai voulu, avant de vous remercier, savoir, comme vous le lui demandiez, si M. Vitet serait disposé à m’appuyer avec vous. Je viens d’apprendre par M. de Forbin1 que M. Vitet est absolument engagé vis-à-vis de M. de Viel-Castel2 et que sa voix ainsi que celle de plusieurs de ses amis devant me manquer, il ne pourrait me conseiller de me présenter.

Dans cette situation, je n’ai qu’à demeurer tranquille, rôle toujours plus facile, plus sûr et plus agréable que celui de solliciteur, d’ajourner indéfiniment peut-être, mes prétentions et mes rêves académiques ; car le temps, en augmentant peut-être mes titres, ne peut que diminuer les chances, et la mort de M. de Montalembert et du père Gratry comme la retraite de Mgr Dupanloup m’ont fait à cet égard un tort sans doute irréparable. Je me consolerai de cette déconvenue en me disant que si tous les académiciens avaient vos sentiments pour moi, mon élection ne serait pas douteuse.

Madame Cochin3 m’a demandé récemment si je n’avais pas quelques lettres intéressantes de son pauvre cher mari à vous communiquer. J’ai cherché et malheureusement je n’ai rien trouvé. J’aurais voulu retrouver surtout une lettre qu’il m’écrivit à Rome en 1864, après l’encyclique et le Syllabus4 du 8 décembre, lettre singulièrement belle et touchante par la douleur et la soumission dont elle était le témoignage. Je devais avoir, peu de jours après, une audience du pape, et je lui en parlais ; je crois même que je lui en donnais lecture. Le Saint-Père5 parut fort touché et m’exprima les sentiments les plus paternels à l’égard d’Augustin. J’écrivis alors à Augustin les détails de cette audience et les paroles du Saint-Père : malheureusement je n’en ai plus le souvenir précis.

Permettez-moi, cher Monsieur, de vous remercier encore de votre persévérante bonté et de vous renouveler l’expression de mon plus respectueuse dévouement.

A. de Ségur

1Forbin d'Oppède, Louis Michel Marie de, marquis (1816-1900).

2Viel-Castel, Charles-Louis-Gaspard-Gabriel de Salviac, baron de (1800-1887), homme politique et historien. Directeur de affaires politiques au ministère des Affaires étrangères pendant la monarchie de Juillet, il rentra dans la vie privée après 1848. Auteur d'un Histoire de la restauration en 20 volumes (1870-1870), il collabora à plusieurs reprises à la Revue des Deux Mondes.

3Cochin, Adeline, née Benoist d'Azy (1796-1880). Elle avait épousé Augustin Cochin en 1850.

4Publiés le 8 décembre 1864, l’encyclique Quanta Cura et le Syllabus furent considérés par les catholiques libéraux comme une condamnation sans appel du catholicisme libéral auquel étaient attachés Falloux, Cochin et Montalembert.

Notes

1Forbin d’Oppède, Roselyne de, née Villeneuve-Bargemon (1822-1884). Elle partageait son temps entre Paris et les deux châteaux que possédait son mari, le marquis Forbin d’Oppède, dans le midi, celui de La Verdière, dans le Var et celui de Saint-Marcel, près de Marseille. Très liée avec les Cochin, la marquise de Forbin, était en relation très étroite avec le groupe des catholiques libéraux.  Voir sa correspondance publiée par Jean-Rémy Palanque, Une catholique libérale du XIXème siècle : la marquise de Forbin d’Oppède d’après sa correspondance inédite, Louvain, 1981, 466 p.
2C'est effectivement Viel-Castel qui sera élu à l'Académie française le Ier mai 1873.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «5 avril 1873», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1873, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 07/12/2020