CECI n'est pas EXECUTE 18 décembre 1872

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18 décembre 1872

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

Angers, 18 décembre 1872

Chère Madame,

Mme de Caradeuc, Marie et Loyde sont arrivées hier au soir, en bon état, sauf l'inquiétude qui vit désormais au fond de nos cœurs et qui a été presque ravivée avant-hier par une souffrance qu'il est heureusement permis d'attribuer un peu à l'estomac. Nous sollicitons plus que jamais toutes les prières de Rochecotte et nous y répondons d'avance par les plus reconnaisantes tendresses.

Je félicite bien Antoine [de Castellane] d'avoir été et de demeurer parmi ceux qui jugent qu'il n'y a plus un instant à perdre pour remonter la côte que M. Thiers nous a fait descendre avec un si étrange et si coupable aveuglement1. On me dit que l'ambassadeur de Berlin a été pour une bonne part dans le discours de M. Dufaure, et que ses dépêches sont vraiment remarquables ; mais combien il faut que M. Thiers ait perdu tout sens moral pour avoir besoin d'une pression de ce genre, et encore ne suffit-elle à lui inspirer que de petites roueries, car il est bien évident qu'il modifie un peu ses formes sans rien sacrifier du fond. Aussi j'espère que Antoine sera reparti de Rochecotte plus armé et plus cuirassé que jamais, même contre les mauvais tours de ses propres amis. On est encore bien heureux quand ce sont les bonnes idées qu'on met tant de soins à s'approprier ! En constatant les tendances de la chronique du Correspondant, Bertou m'apprenait en même temps l'influence d'Hilaire [de Lacombe] et de ce côté-là, j'ai absolument perdu mon latin et mon français depuis un an. Son frère Charles [de Lacombe] y échoue également et je ne connais pas du tout M. Boucher2. C'est probablement l'Evêque3 qui aurait le plus de crédit, mais l'Evêque lui-même, ceci pour Rochecotte seul, ne me paraît pas irrévocablement fixé dans la ligne à suivre. On serait perplexe à moins !

Savez-vous si M. le Cte de Chambord a gardé un silence absolu à l'égard de M. de La Ferté4. S'il a donné quelque témoignage d'affection, vous me ferez le plus grand plaisir en me le disant.

On nous annonce depuis vingt-quatre heures, que les grands périls ont à peu près cessé du côté de la Loire, le temps redevient très doux et j'espère que votre santé en profite.

Bertou m'a envoyé encore une très belle lettre hier, mais qui fait peut-être double emploi avec quelques autres. Comme sa date est de 1831, j'ai plusieurs jours pour étudier les rapprochements mais cela ne diminue en rien le vif remerciement que je me permets de vous confier. Je conclue de vos divers silences sur l'emmenagement de Paris que vous passerez au moins Noël à Rochecotte, et c'est le moment où j'espère, si vous ne m'envoyez pas de contre-ordre, chère Madame, concilier mes différents cultes. Malheureusesment, une telle douceur ne sera pas permise de tout l'hiver à mes pauvres femmes, qui croient n'avoir pas besoin de vous dire tout ce qu'elle en souffrent pour que vous en soyez bien sûre.

Alfred

1Voir lettre de Falloux à Bertou du 16 décembre 1872.

2Boucher Auguste (1837-1910), professeur et journaliste. Collaborateur du Journal du Loiret à partir de 1871, il était entré au Français et au Correspondant en 1875. Installé à Paris, il organisa le bureau de presse du comte de Paris. Peu après le décès de son épouse, il épousa, en 1877, la fille de Léon Lavedan.

3C'est ainsi que ses amis désigne Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans.

4Ferté-Meung, Hubert Jacques Antoine Ferdinand de La (1805-1884), légitimiste, il avait été l'un des partisans de la fusion avec les orléanistes. 


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «18 décembre 1872», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République, CORRESPONDANCES, 1872,mis à jour le : 16/05/2014