CECI n'est pas EXECUTE 24 septembre 1878

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24 septembre 1878

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

24 septembre 1878

Cher ami, quand je vous interroge sur mon compte, j'attends un avis consciencieux, et je ne manque jamais de le peser sérieusement, sans m'engager à le suivre toujours, selon le précepte de Made Swetchine. Pour aujourd'hui voici le résultat du pesage.

Attendre que le Pape1 et les évêques aient décidé s'il convient ou non de placer l’Église sous le drapeau de la Contre-Révolution n'a pas pesé une once. Attendre que M. de Mun écoute docilement la voix de la raison n'a pas pesé davantage.

Je crains, sauf le grand respect que je dois et que je porte aux deux ermites de Saint-Martin, - qu'ils ne ressemblent un peu, en cette occasion, à la tendre mère dont la marquise de Créqui2 raconte la sollicitude. Elle voyageait en coche avec très bonne compagnie ; on était descendu pour prendre le dîner et l'on regardait un beau gigot achevé de rôtir devant un bon feu, quand un petit garçon de six ou sept ans quitte les genoux de sa mère et se met en devoir de faire pipi sur le gigot. Toute la société pousse un cri ; mais la bonne mère, protégeant son petit garçon, crie à son tour : soyez tranquille ! Rien que sur le manche ! Rien que sur le manche !

Nous allons vous envoyer la Revue des deux mondes par Caroline3 qui nous arrive tantôt pour une courte visite à la mère Séjou. En revanche, dites-moi ce que vous entendez par être « plus soufrant ?» Je considère comme grave que vous renonciez à la bibliothèque, car je sais comme vous y prenez goût.

Le prochain Correspondant vous apportera un nouveau démenti à M. de Blowitz4 dans un article qui paraît très bien renseigné sur le congrès de Berlin5. L'épreuve est signée xxx, ce qui m'a tout de suite fait penser à vous collaborant avec la princesse Radziwill6. Suis-je tombé juste ?

Alfred

2Renée-Caroline-Victoire de Froullay de Tessé, Marquise de Créquy (17045-1803) femme de lettres, auteur de Souvenirs de la Marquise de Créquy.

3Sans doute Marie Caroline Christine Amélie Mathilde de Mackau, née de Maison (1837-1886). Épouse d'Armand de Mackau depuis 1858.

4Blowitz Henri Georges Stephen Adolphe Oppert de (1825-1903), journaliste. Originaire d'Autriche, il avait été nommé professeur de langues étrangères au lycée de Tours par Falloux, alors ministre de l'Instruction et des Cultes. Ayant abandonné l'enseignement en 1861, il s'orienta vers le journalisme politique. Entré au Times en 1871, il publia un document faisant état de plans allemands pour attaquer la France. En 1878, il parvint à se procurer le texte du traité de Berlin et à le publier à la veille de la signature du Congrès de Berlin.

5Ce congrés, qui s'était tenu du 13 juin au 13 juillet 1878 et réunissait les représentant ds puissances européennes visait à réviser le traité de San Stefano signé le 3 mars 1878 par laTurquie à l'issue de sa défaite contre la Russie. La Grande-Bretagne et l'Autruche-Hongrie contraignirent la Russie à reconsidérer les termes du traité jugé trop durs à l'encontre du vaincu.

6Marie Dorothée Élisabeth Radziwill, princesse (1840-1915), née de Castellane, elle est la fille de Pauline de Castellane, la châtelaine de Rochecotte. Le 3 septembre 1857, elle avait épousé à Sagan, en Pologne, Frédéric-Guillaume-Antoie, prince Radziwill (1833-1904), militaire prussien. Femme de lettres, on lui doit la publication des Souvenirs de sa grand-mère, la Duchesse de Dino, Chronique de 1831 à 1862, Paris, Plon, 1909-1910, 4 vol.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «24 septembre 1878», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1878,mis à jour le : 14/12/2015