CECI n'est pas EXECUTE 6 octobre 1872

1872 |

6 octobre 1872

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

Angers, 6 octobre 1872*

Chère Madame,

 

Gardez-vous de croire que rien puisse jamais altérer mon inaltérable amitié et pardonnez-moi de vous donner en si peu de mots cette assurance superflue ; mais votre si bonne lettre m'est remise, ainsi que celle de Bertou, au moment même où je vais monter en voiture. Je veux cependant me défendre du mot étonnement, qui m'accuserait, à juste titre, si je n'avais exprimé dans les termes les plus formels mon impression à Antoine [de Castellane] et à Madeleine [de Castellane]1 avant le dîner. Permettez-moi de vous supplier aussi de retirer la consigne que vous venez de donner pour ces quelques jours ; mon affliction n'est point venue et ne viendra jamais du contact matériel de Veuillot. Je crois même pouvoir vous affirmer qu'elle a bien plutôt porté sur l'évêque d'Orléans2, sur Montalembert et sur Cochin que sur moi-même. Pour mon propre compte, on me ferait dîner en personne toute une semaine à côté de Veuillot, que je n'en perdrais pas une bouchée. C'est précisément parce qu'il ne faut pas aller chez les gens pour leur dire des choses qui leur sont désagréables ni leur ménager une avoine pour le lendemain du jour où l'on s'est uni à l'une de leurs fêtes, que j'aurais voulu un autre mouvement à Rochecotte ; mais le fait étant accompli, il est bien inutile de le compliquer désormais, ou de le prolonger par de nouveaux incidents.

Il vous est aisé de rester dans votre chambre durant une visite, puisque vous êtes souffrante ; mais si les Chabrol3 demandent néanmoins à montrer les tableaux et la chapelle à leurs hôtes, ce qui serait fort naturel, comment pourrait-on le leur refuser?

Laissez-moi ajouter que si l'on pouvait comprendre que cela se fait plus ou moins pour ma satisfaction, j'en serais vraiment très désolé. Laissons donc les choses suivre très simplement le cours qui leur a été donné, et demeurez tous bien convaincus que je me suis peut-être exagéré les solidarités de l'amitié, mais que je ne suis point du tout porter à m'exagérer les représailles et à trouver l'ombre d'une jouissance dans un mauvais procédé quelconque, même envers Veuillot4.

M. Roze5 va beaucoup mieux ; M. Bonin paraît toujours dans un état désespéré, et l'épidémie ne paraît pas toucher à son terme. J'espère cependant ne pas l'emporter au Bourg d'Iré, partant en aussi bon état que possible.

Dites à Bertou que j'ai fouillé hier toutes les caisses des Jacobins6 sans y rien trouver que la copie de deux lettres, l'une du 16, l'autre du 25 mai 1848. Qu'il veuille bien en prendre note quand il en sera là. Je reçois en même temps que vos lettres une très longue réponse de Saint-Chéron7, que je lirai seulement en route, et dont je vous rendrai compte, s'il y a lieu. J'ai assisté ici à de curieux progrès du bonapartisme. Permettez-moi, chère Madame, de vous embrasser, bien hâtivement, mais bien tendrement, Alfred.

 

*Archives départementales du Maine-et-Loire

1Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné, mariée le 3 avril 1866 avec Antoine de Castellane.

3Chabrol-Tournoël, Marie Henri Guillaume vicomte de (1840-1923), homme politique français. Élu député du Puy-de-Dôme de 1871 à 1876, il faisait partie de la droite modérée. Il était le petit-fils du préfet de Savone. Marié depuis 1871 à Marie de Bourbon-Busset (1845-1878).

4Voir lettre de Falloux à Bertou du 7 cotobre 1872.

5Roze, Pierre-Gustave (1812-1883), militaire. Promu enseigne de vaisseau en 1837, il avait pris part à l'expédition du Mexique. Capitaine de vaisseau en 1856, contre-amiral en 1862, il sera nommé gouverneur de Cochinchine en 1865. Il avait quitté le service actif en 1877. Falloux avait fait appel à son fils pour collaborer à la rédaction de ses Mémoires.

6Falloux séjourne alors à Angers dans sa petite demeure située Impasse des Jacobins.

7Voir lettre du 4 octobre 1872.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «6 octobre 1872», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1872,mis à jour le : 10/03/2018