Année 1840 |
20 mai 1840
Paris, 11 rue des Saussayes, 20 mai 1840
Vous m'avez donné, Monsieur, des heures d'étude et d'intérêt, des pensées sérieuses et un recueillement profond. J'ai besoin de vous en remercier. Votre livre1 porte l'emprunte d'une maturité et d'un talent historique que tous les âges pourraient envier. Jamais je n'ai encore rencontré une histoire de roi faite avec cette abondance de matériaux et cette sobriété de consideration, vous traces les événements comme si vous les faisiez revivre, c'est une audience perpétuelle que par votre entremise le lecteur <mot illisible> le malheureux roi ! Les portraits sont tracés avec une vivacité et une concision qui en font les véritables caractères, Mirabeau, Necker et Lafayette ne sont pas flattés mais leurs amis ne pourraient pas vous en vouloir car vous faites paraître leurs actes dans une lumière éclatante. Tout ce qui peint l'assemblée cte est un tableau des plus dramatiques, les paroles si belles du roi ont donc ête oubliées par ceux qui ont si souvent maltraité cette époque?
Il me semble, Monsieur, que le <mot illisible> d'un travail si complet, aussi conciencieux, doit vous donner une satisfaction bien rare de nos jours, vous sentez que vous avez bien fait et j'espère que vous ne tarderez pas à nous donner encore une production de cette importance. La lecture des épigraphes me prouve que vous avez fouillé des parchemins poudreux, j'aimerais en voir sortir le Louis Saint, pour faire suite au Louis martyr, cet anachronisme vous serait pardonné.
Me permettrez-vous de vous dire Monsieur combien vous manquez dans notre cercle d'amis, vous y avez laissé un double souvenir et il peut vous être redit sans inconvénient. Notre <mot illisible> duchesse est bien souffrante, et le courage ne suffit pas à dominer ses affreuses douleurs qui se renouvellent chaque jour. Mme Swetchine est occupée de son amie Mme de Pastoret2 et nous voudrions ne pas devoir à cette inquiétude le bonheur de la garder quelques jours de plus. Du reste, on ne parle que de départs et je trouve que ces regrets continuels sont une cruelle compensation aux beaux jours donnés par le soleil.
J'espère que Madame votre mère a retrouvé à la campagne force et santé, veuillez me rappeler à son souvenir et agréer l'assurance de mon sincère dévouement.
Klustine Ctesse de Circourt
1A. de Falloux venait de publier une biographie de Louis XVI (Paris, Delloye, 1840) qui devait connaître plusieurs rééditions.
2Louise Alphonsine Alexandrine de Pastoret, née de Montfermeil (1795-1876), épouse du marquis Amédée de Pastoret.
