CECI n'est pas EXECUTE 28 mars 1879

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28 mars 1879

Bernard Chocarne (R.P.) à Alfred de Falloux

Paris, 28 mars 1879

Monsieur le comte,.

J'ai été bien touché de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire à l'occasion des Pensées du P. Lacordaire1. Vous appelez courageuse la page que j'ai placé à la tête de ces Pensées. Je voudrais avoir mérité cette épithète trop flatteuse. Serions-nous donc encore assez devisés pour qu'il y eut quelque courage à déposer une couronne sur la tombe de nos grands morts, en disant ce qui a attristé leur dernier adieu à la France et ce qui a condamné ceux qui leur survivent à l'humiliant ostracisme dans lequel ils gémissent aujourd'hui ?

Quoiqu'il en soit, je crois à l'ère prochaine de la délivrance de ce joug odieux, et je crois que cette délivrance nous viendra principalement de l'Édit de Nantes du XIXe siècle. On se prépare à le révoquer, mais heureusement cette lourde faute et ce crime, au lieu d'étre accompli par les partisans du trône et de l'autel, le seront par leurs ennemis déclarés. Pouvaient-ils choisir un champ de combat qui nous fût plus favorable ? Au premier son de clairon ils réveillent les catholiques de leur torpeur, les réunissent en un seul camp, les blessent, prêtres et laïques, dans leurs affections les plus chères, les obligent à prendre position sur le seul terrain possible, solide, inexpugnable, le droit commun, leur rendent du même coup la popularité perdue et se préparent à eux mêmes une chute honteuse et prochaine.
Il y a bien encore et toujours les fanatiques, L'Univers qui trouve l'heure propice pour revendiquer en faveur de l'Église le droit exclusif d'enseigner non seulement le catéchisme, mais ba be bi bo bu. Mais il se trompe de date. Il feint d'oublier qu'un nouveau pape siège au Vatican, qui a nom Léon XIII. J'ai foi en Léon XIII, parceque j'ai foi en l'avenir de l'Europe et de la France.

Merci, Monsieur le comte, du témoignage si honorable et si flatteur de votre haute approbation. Merci d'y avoir ajouté l'envoi de votre beau livre sur l'évêque d'Orléans qui arrive si à propos pour remettre en pleine lumière l'oeuvre capitale des catholiques de ce siècle, la loi de liberté religieuse qui portera votre nom dans l'histoire et qui sera votre immortel honneur.

Veuillez agréer, Monsieur le comte, avec l'expression de ma gratitude, l'hommage de mon très humble et respectueux dévouement.

Fr B. Chocarne.

1R. P. Chocarne, Pensées choisies du R. P. Lacordaire, Paris, Poussièlgue, 1879, t.1.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «28 mars 1879», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1879,mis à jour le : 23/06/2023