CECI n'est pas EXECUTE 14 décembre 1864

Année 1864 |

14 décembre 1864

Théophile Foisset à Alfred de Falloux

Dijon, 14 décembre 1864

Monsieur,

J'avais demandé <mot illisible> et Douniol1 l'a envoyé. J'apprends que c'est par vous et j'en suis plus flatté que je ne saurais dire.

Jamais vous n'avez été plus vif, plus pressant, plus éloquent. Aussi avez-vous triomphé de l'éloignement si profond qu'on a pour nous à Rome. L'assurance vous a conduit, et le Saint-Père aurait dit : « la vérité est loi. »

Il est remarquable que dans cette capitale question de l'indépendance temporelle du Saint-Siège, l'école du Correspondant a toujours été la première sur la brèche : en 1859, dans la personne de l'évêque d'Orléans2 et de M. de Montalembert (dont la brochure du 25 octobre fut immédiatement saisie3) ; et toujours ainsi jusqu'en 1864, où la convention du 15 septembre vous a rencontré si alerte ici énergique pour la combattre4. Puisse la persévérance d'un tel dévouement éclairer et désarmer les aveugles qui pressent le souverain pontife5 de lancer la foudre sur nous. Je sais qu'ils souhaitent la promulgation d'une encyclique ad hoc et qu'ils n'ont point perdu tout espoir de l'obtenir.

Dans cette situation, il est bien désirable que M. de Montalembert6 persiste dans un invincible silence. Des imprudents le tentent à l'occasion du bref Mercurelli7. Je l'exhorte de mon mieux à n'y faire aucune allusion dans ses conversations ni dans ses lettres. Vous lui avez écrit à ce sujet, Monsieur, des choses admirables. Mais d'autres lui tiennent un langage moins chrétien et notre ami est exaspéré.

Combien Madame Swetchine manque et que je serais heureux qu'une parole de vous-même contînt une irritation prompte à s'exhaler !

Ah ! Si Monsieur de Montalembert savait attendre. Si, au lieu de se perdre en 1833, Monsieur de La Mennais eut attendu 1843 et 1844 ! Quelle bonne inspiration, Monsieur, que la réimpression de votre discours sur l'expédition de Rome ! Combien la papauté a perdu du terrain, dans les esprits qui se croient conservateurs, du 1849 à 1864 ! Se peut-il que le cardinal Antonelli8 ne s'en rende pas compte ! Et s'il s'en rend compte conçoit-on qu'il ne voie pas que la réaction contre le Veuillotisme y est pour beaucoup. Le gallicanisme ressuscite à vue d’œil. Les correspondances parisiennes de l'Indépendance belge en sont saturés. Saura-t-on voir à Rome, que, « trop tirer, rompt », comme disaient nos pères ?

Pour moi, je ne gallicanise [sic] pas et je vous remercie, tout en m'efforçant de conserver encore quelque chose d'honnête. Mais je suis bien contesté de tout ce qui se passe. Ma seule consolation, c'est votre succès, Monsieur. Daignez agréer l'hommage de la très vive admiration de votre humble serviteur.

Foisset

 

1Charles Douniol est le gérant du Correspondant.

2Le 30 septembre 1859, Mgr Dupanloup avait publié une brochure intitulée Protestation au sujet des attentats dirigés contre le Souverain Pontife.

3Intitulée Pie IX et la France en 1849 et en 1859, la brochure publiée par Montalembert dans le Correspondant du 25 octobre 1859 critiquait avec véhémence la politique italienne de Napoléon III. Des poursuites furent intentées contre Montalembert et le Correspondant mais elle seront rapidement abandonnées.

4Il s'agit de l'article de Falloux, La Convention du 15 septembre, que Le Correspondant publia dans son numéro du 25 octobre 1864.

6Suite à l'encyclique du 8 décembre 1864, Montalembert envisageait alors de démissionner du Correspondant. Falloux parviendra néanmoins à l'en dissuader.

7Mgr Mercurelli, Francesco (1808-1892), camérier secret à la curie romaine, secrétaire des brefs aux princes puis secrétaire de la Congrégation consistoriale, c'est un proche de Louis Veuillot.

8Antonelli Giacomo (1806-1876), administrateur ecclésiastique italien. Fait cardinal en 1847 par Pie IX, puis secrétaire d’état, il organisa la fuite du pape à Gaëte en 1848. Il était devenu tout-puissant dans les États Pontificaux. Secrétaire d'état depuis 1849, il servit Pie IX avec dévouement ; foncièrement hostile à toute réforme de tendance libérale, il porte en majeure partie la responsabilité de la politique immobiliste de l’État pontifical de 1849 à 1870 .


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «14 décembre 1864», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1864,mis à jour le : 24/03/2016