1878 |
29 mai 1878
Alfred de Falloux à Pauline de Castellane
29 mai 1878*
Chère Madame, j'envoie ce petit mot saluer vos meilleures nouvelles transmises à Bertou et votre départ pour la rue de Grenelle où je demande tant à Dieu de ne vous recevoir qu'avec des consolations. La santé de Mad. de Caradeuc1 me laisse libre de former des projets qui, dès lors, restent conformes à ceux que vous connaissez déjà. Les Benoist d'Azy2 vont directement à Royat3 ; les Pérignon qui arrivent à la fin de la semaine aux bains de mer, et Albert [de Rességuier] m'accompagne à Paris où j'arriverai le plus tôt que je pourrais avant le 13, mais probablement pas avant le 10. Cependant, veuillez une fois à Paris, m'indiquer de nouveau bien précisément le départ de Georges et de son père.
La dernière lettre de mon frère4 disait la santé du pape meilleur et présentait Veuillot comme un mourant péniblement promené par sa sœur qui parlait pour lui et l'avait fait porter chez le pape par-dessus les bras, sans qu'on ait pu le monter jusque chez le cardinal Franchi5. Je garde là-dessus les sentiments que j'ai eu à Rochecotte, et je ne manque pas de les répéter à Rome : la vie ou la mort de Veuillot importe peu ; le Veuillottisme réside désormais ailleurs qu'en lui, plus haut que lui ; c'est là, qu'il faut le voir et le détruire, si l'on croit à son danger. Je lis maintenant la Défense6 avec attention et je vous la recommande à mon tour. Y avez-vous vu que le P. Curci7 loge maintenant au Vatican avec l'abbé Pecci ? Et que l'archevêque de Milan8 est venu de sa personne se défendre et défendre son clergé contre les journalistes Milanais ? De l'évêque d'Orléans9 point de nouvelles, du moins ici.
Au revoir, au revoir, chère Madame, et cher Monsieur l'abbé.
*Fonds Castellane, Archives nationales.
1Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), mère de Marie de Falloux.
2Berthe Benoist d'Azy (1850-1899), fille cadette d'A. de Rességuier avait épousé le baron Augustin Rose Ange Benoist d'Azy.
3Station thermale du Puy-de-Dôme.
5Allessandro Franchi (1819-1878), prélat romain. Ordonné prêtre en 1842, il fut nommé archevêque de Thessalonique en 1856 puis nonce à Madrid (1868). Élevé au cardinalat en 1873, préfet de la Congrégation pour la Propagation de la Foi en 1874, Léon XIII le choisit comme Secrétaire d'État en mars 1878.
6La défense sociale et religieuse, le journal créé à l'initiative de Mgr. Dupanloup.
7Curci, Carlo Maria (1810-1891), ecclésiastique italien. Jésuite, il avait été expulsé de la Compagnie de Jésus et suspendu de l’Église. Favorable à la conciliation entre le gouvernement italien et le Saint-Siège, il fut un des fondateurs de la revue Civiltà cattolica. Il sera réintégré dans la Compagnie de Jésus quelques mois avant sa mort.
8Luigi Nazari di Calbiana (1808-1893), nommé archevêque de Milan en 1867. Prélat hostile aux intransigeants, il s'était prononcé contre le dogme de l'infaillibilité lors du concile de Vatican I.
