1878 |
24 mai 1878
Alfred de Falloux à Pauline de Castellane
24 mai 1878*
Chère Madame, Albert [de Rességuier], Berthe [Benoist d'Azy]1 et ses trois enfants sont arrivés hier à fort bon port, et, selon leur mine et leur humeur, en fort bon état. Ils se sont bien vite informés de Rochecotte et comme nous se désole d'y voir une souffrance si prolongée. Nous savons bien que vous ne restez dans votre lit que quand vous ne pouvez faire autrement, et nous sommes bien impatients de vous en voir sortir. Qu'est-ce qui vous y retient ? Est-ce la tête, ou le foie, ou tous les deux ensemble ? Vous gardez trop le silence là-dessus, et nous nous recommandons à Mlle Dubois2 pour en savoir davantage. Je la remercie, en même temps, de son arrivée, et je vous en félicite. Je n'avais pas besoin de l'écriture pour savoir ce que je devais penser de la personne, et je me réjouis bien de vous voir en toute confiance entourée désormais et soignée au dedans comme au-dehors. La merveilleuse guérison de l'entorse a-t-elle été aussi solide que prompte ? Vous pensez bien que, après Rochecotte, le Sénat a été mis aussitôt sur la sellette. L'impression rapportée est que l'évêque3 a été trouvé languissant et vieilli, Dufaure très vert et très mauvais. Je suis heureux de penser à la réunion de Mad. Craven4 et de Mad. Cochin5 ; puisque ces satisfactions ne me sont plus permises à moi-même, j'en jouis dans les autres. Veuillez faire parvenir cette assurance à La Roche6, si vous y écrivez.
On me dit aussi que Renan7 n'est pas aussi sûr de passer qu'on l'avait cru d'abord, et tout ce qui augmente mon devoir pour le 138 augmentant aussi ma chance de vous revoir, paraît tout de suite plausible. En tout cas, je ferai comme si j'y croyais fermement, quoique, en règle générale, je parie d'avance pour le succès du mal, nos aveuglements et nos fautes ayant blessé le bien à mort, au moins pour notre génération. Albert [de Rességuier] avait rencontré tout récemment Boni9 et Jean10 très bien portant est toujours très aimables. Les travaux du puits artésien sont-ils commencés, et comment vont-ils ? Albert ne sait rien de plus positif sur l'archevêché de Rennes11 et tient comme moi le chapeau d'Orléans12 pour absolument perdu, du côté de la France, au moins. Les gens qui reviennent de Rome et notamment M. Baude13, disent Léon XIII fort malade, ce que mon frère14 paraît aussi redouter. Est-ce que l'abbé Couvreux ne va pas un peu à Paris avec vous ?
A. de F.
*Fonds Castellane, Archives nationales.
1Berthe Benoist d'Azy (1850-1899), fille cadette d'A. de Rességuier avait épousé le baron Augustin Rose Ange Benoist d'Azy.
2Secrétaire de Pauline de Castellane.
4Pauline Craven, née de la Ferronnays, était proche du groupe du Correspondant auquel elle collabora à diverses reprises.
5Mme Cochin, née Adeline Alexandrine Benoist d'Azy (1830-1892), veuve d'Augustin Cochin.
6Château de La Roche, à Verdelet, en Seine-et-Marne, propriété des Cochin.
7Candidat à l'Académie française, Ernest Renan (1823-1892) sera, en dépit de l'opposition de Mgr Dupanloup, élu le 13 juin 1878 en remplacement de Claude Bernard.
8Le scrutin de l'Académie française devait se dérouler le 13 juin.
9Boniface dit Boni de Castellane (1867-1932), fils d'Antoine et de Madeleine de Castellane, et donc petit-fils de Pauline de Castellane.
10Jean de Castellane (1868-1948), fils cadet d'Antoine et de Madeleine de Castellane, petit-fils de Pauline de Castellane.
11Le décès de Mgr Brossais-Saint-Marc le 26 février 1878 laissait vacant le siège de l'archevêché de Rennes. C'est Mgr Place, l'évêque de Marseille qui sera nommé le 15 juin 1878 pour occuper ce siège.
12Mgr Dupanloup ne sera effectivement pas nommé cardinal.
13Le baron G. Baude est alors ambassadeur de France près le Saint-Siège. Baude Georges Napoléon, baron (1831-1887), homme politique français, ministre plénipotentiaire à Athènes (1868-1871) puis à Bruxelles (1871-1876) et ambassadeur près le Saint-siège (1876-1878).
