1871 |
2 novembre 1871
Jules de Bertou à Alfred de Falloux
Dimanche, 2 novembre 1871
Cher ami,
Je suis chargé de vous transmettre l'incluse en soulignant que le sujet qui est traité est resté complètement entre vous et celle qui y répond. Il y aurait de l'inconvénient à étendre le cercle de la consultation au point de vue du secret et aussi du parti le plus sage à prendre. Mad. de C[astellane] pense qu'il pourra vous être commandé de vous servir de sa lettre pour répondre à qui vous interroge et elle compte sur votre bonne protection pour que sa prudente réserve ne lui soit pas imputée à timidité exagérée. J'ai ce matin un mot d'Augustin1 à qui j'avais demandé les noms des députés qui vont à Lucerne2 ; il me répond que sur les 8 il n'en connaît qu'un et que c'est La Rochejaquelein3. Si tous sont de cette force ils feront plus de bruit que de besogne. Voici le Correspondant arrivant avec un article de notre ami Hilaire4; il va probablement nous donner le commentaire de la lettre de M. Mathieu5 car je pense que c'est par lui, H[ilaire]. que l'ancien député de la Corrèze aura entendu raconter les récits faits par M. Thiers à la table de l'évêque6 un témoin non suspecté, M. Orfila7, qui était à la séance de l'Académie et qui est revenu hier à Paris raconte que le mouvement bonapartiste soulevé par la phrase de M. C. Doucet8 a été très accentué ; plus, selon lui, que l'autre en faveur du duc d'Aumale. Une lettre de la rue du faubourg Saint-Honoré arrivée ce matin confirme cette appréciation.
De petites trahisons en petites trahisons M. Thiers arrivera au consulat à vie et ce sera notre fin, notre mort.
Je ne vois pas que les Borivimenti9 de Lucerne ni les chasses de Chantilly10 soient bien propres à nous tirer de ce bourbier !
Nous sommes allés hier avec le ménage Antoine [de Castellane] dîner à la Planche aux œufs chez les excellents Troubleroy qui nous on comblé de bonne grâces. J'ai un mot de Madame de S[ain]te Aulaire11 revenant du Bourg d'Iré, elle ne dit rien de neuf et je ne crois pas que Victor ait le cœur absolument brisé, il s'en remettra.
Madame de Rocheplatte12 vient demain et repart jeudi. Antoine ira à la permanence13 cette semaine mais il sera de retour vendredi.
Mille tendresses à votre cher quarteron.
Jules
1Sans doute Augustin Galitzin.
2Plusieurs députés légitimistes modérés s'étaient empressés de se rendre auprès du comte de Chambord pour lui signifier que son refus de renoncer au drapeau blanc compromettait tout tentative de restauration monarchique.
3La Rochejaquelein, Gaston du Vergier de (1833-1897), député des Deux-Sèvres du 8 février 1871 au 25 juin 1877, légitimiste, il siégea avec l'Union des Droites.
5Mathieu, Auguste (1814-1888), élu par la Corrèze du 31 mai 1863 au 27 avril 1869, réélu du 23 mai 1869 au 4 septembre 1870, il était inscrit au groupe de la Majorité dynastique.
7?
8Doucet, Camille (1812-1895), directeur général de l’administration des théâtres, élu à l’Académie française le 7 avril 1865, il sera nommé secrétaire perpétuel en 1876.
9? Ce mot désigne sans doute les députés légitimistes qui se sont rendus à Lucerne auprès du comte de Chambord.
10Le domaine de Chantilly appartient au duc d'Aumale.
11Louis-Charlotte-Victoire du Roure de Beaumont de Brison (1791-1874), veuve de Louis-Claire Beaupoil, comte de Sainte-Aulaire (1778-1854), ambassadeur de France, membre de l'Académie française.
12Rocheplatte, Jenny Drouin de, née Crublier de Fougères (1816-?).
13Antoine de Castellane est alors député et conseiller général du Cantal.
