CECI n'est pas EXECUTE 2 septembre 1883

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2 septembre 1883

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

Bourg d’Iré, 2 septembre 1883*

 

Chère Madame,

Le pauvre Georges1 est arrivé à Huillé2 comme déjà vous le savez sans doute, uniquement pour recueillir le dernier soupir de sa très vénérée mère3. Voilà de nouveau un grand deuil et un grand vide dans cette existence déjà si triste et le pauvre Lili perd aussi un très tendre secours. Georges a une grande délicatesse de m’interdire l’enterrement mais, si je le puis, j’irai certainement au service en prenant le chemin direct, où je pourrais aller en un jour par le chemin de terre et revenir le lendemain.

M. de Costa4 m’a lu hier son article sur l’évêque d’Orléans5. Il est très original et on ne peut plus enthousiasmé. Il appelle Rousseau un hideux philosophe. On pourra peut-être crier ou paradoxe mais certainement pas à la mauvaise intention. Ce n’est pas encore tout à fait fini, par conséquent un peu long. Il y a beaucoup de pages très dignes de l’homme d’autrefois. Il compte paraître dans le numéro du 15 octobre pour laisser oublier un peu l’évêque d’Autun6. S’il passe devant Rochecotte, il s’y arrêtera certainement quelques instants.

L’Etoile a nettement posé le droit d’héritage au trône de Don Carlos7. Charles de Quatrebarbes8 lui a écrit hier pour lui dire qu’elle a parlé trop tôt, mais point du tout qu’elle a mal parlé. Henry de Maquillé9 est à Goretz10 où il prend certainement part à tous les tripotages qui, comme le testament, demandent encore le mystère. Comme nous avons bien fait de lire Saint-Simon. En attendant M. de Rességuier m’écrit, sans me blâmer moi-même, qu’il n’a suivi ni mon conseil ni mon exemple et il envoie la copie de sa lettre à M. le comte de Paris11. Comme elle est très jolie, je vous la fais copier à mon tour mais ne montrez cette copie à nul autre qu’à l’abbé Couvreux. Antoine [de Castellane] et même Madeleine [de Castellane]12 pourraient n’être pas suffisamment discrets.

 

A. de F.

 

 

A son altesse Monseigneur le Comte de Paris.

 

Monseigneur,

Dans les plus douloureuses épreuves de la patrie, ma vieille foi royaliste n’a jamais douté que la France ne dût, à jour, ce relevé par la restauration de la monarchie ; mais je désespérais de voir ce beau jour avant de mourir.

Je bénis Dieu et votre altesse royale de me rendre cette espérance et c’est en faisant des vœux ardents pour sa prochaine réalisation que je prie le roi d’agréer l’hommage du plus humble de ses serviteurs et du plus fidèle de ses sujets.

Château de Pérignon. Le 25 août 1883

 

 

*Archives nationales. Fonds Castellane.

1Blois Georges Aymar, comte de (1849-1906) neveu de Falloux, propriétaire du château de Huillé (Maine-et-Loire). Maire de Daumeray (Maine-et-Loire) en 1888 puis conseiller général du canton de Durtal (Maine-et-Loire), il fut élu sénateur du Maine-et-Loire en 1895. Réélu en 1897 puis en 1906, il prit place au groupe de la droite monarchiste. Propriétaire d'un domaine agricole, ayant hérité de son oncle Falloux, les célèbres étables du Bourg d'Iré, il intervint dans la plupart des débats agricoles. Il publia les Mémoires d 'un royaliste de son oncle peu après son décès.

2Huillé, commune du Maine-et-Loire où réside Georges de Blois.

3Cécile Bonnin de la Bonninnière de Beaumont, comtesse de Blois (1817-1883), mère de Georges de Blois.

4Costa de Beauregard Marie Charles Albert (1835-1909), historien et homme politique. Légitimiste et catholique, il avait été élu député de Savoie en 1871. Ayant refusé de se représenter en 1876, il se retira de la politique pour se consacrer à l'histoire de la Savoie et de la monarchie publiant plusieurs ouvrages, en particulier sur le roi Charles-Albert.

5Mgr Dupanloup.

6Mgr Perraud Adolphe Louis Albert (1828-1906), prélat. Prêtre de l'Oratoire de France en 1855, professeur d'histoire de l’Église à la Sorbonne en 1865, il fut nommé évêque d'Autun en 1874, puis cardinal en 1893.Normalien de la promotion About, Sarcey, Taine, Weiss, il fut l'auteur de plusieurs ouvrages religieux, l'Histoire de l'Oratoire en France au XVIIIe et au XIXesiècle, de plusieurs études sur le cardinal de Richelieu, le Père Gratry, d'oraisons funèbres et de panégyriques. Il fut élu à l'Académie le 8 juin 1882 en remplacement d'Auguste Barbier qui avait exprimé, avant de mourir, le désir de l'avoir pour successeur, et reçu le 19 avril 1883 par Camille Rousset. Lorsque S. E. le cardinal Perraud arriva au conclave de 1903 qui suivit la mort du pape Léon XIII, le cardinal camerlingue le complimenta et le félicita d'appartenir à l'Académie française.

7Don Carlos, Maria de los Dolores Juan Isidro José Francisco Quirino Antonio Miguel Gabriel Rafael de Bourbon dit (1848-1909), prétendant au trône d'Espagne suite à l'abdication en 1868 de son père, l'Infant Don Juan. Il avait été à l'origine de l'insurrection carliste contre la jeune Isabelle II.

8Quatrebarbes, Charles de (1824-1893).

9Maquillé, Henry Joseph du Bois de (1801-1911). L’Etoile est publié sous son patronage.

10Goritz ou Goritzi (Slovénie) résidence du comte de Chambord en exil. Il y sera enterré.

11Louis Philippe Albert d'Orléans (1838-1894), comte de Paris. Depuis la mort du Comte de Chambord, le 24 août 1883, le comte de Paris se pose en héritier de tous les capétiens et non plus des seuls Orléans devenant ainsi le prétendant légitime à une restauration monarchique.

12Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné, épouse d’Antoine de Castellane.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «2 septembre 1883», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1883,mis à jour le : 05/01/2023