1884 |
22 janvier 1884
Alfred de Falloux à Pauline de Castellane
22 janvier 1884*
Chère Madame,
Il vous est bien aisé de me ramener dans le vrai pour le Journal de Rome car vous êtes toujours sûr d’avance de ma bonne foi. Il suffira pour cela de démontrer 1° Que les Allemands ne sont plus impopulaires en Italie, et qu’il est très habile d’annoncer une restauration du pouvoir temporel par les armées prussiennes, même en étant sûr de ne pas l’obtenir ; 2° Qu’il est très avantageux pour une œuvre morale qui s’appelle pompeusement Journal de Rome d’accoupler deux fripons à un honnête homme ; 3° Qu’il est très avantageux pour une œuvre publique d’installer ensemble le oui et le non dans la direction. Aussitôt, que ce soit Monsieur l’abbé Couvreux, soit vous-même, chère Madame, m’aurait éclairé et rectifié sur ces trois points, vous pouvez compter sur mon trés humble repentir. Biche1 doit recevoir en même temps que cette lettre, comme membre honoraire du Comice de Segré, puisqu’il a bien voulu accepter ce titre, un numéro du Mercure de Segré, qui, s’il veut bien vous le prêter, vous rendra compte du dénouement de ma démission. C’est ridicule, mais il faut bien en prendre son parti.
C’est un grand malheur que M. d’Haussonville2 soit sourd, car il m’a toujours semblé un esprit et un caractère très aimable.
L’abbé Couvreux est-il de retour ; que vous aura-t-il rapporté au sujet du monument de l’évêque d’Orléans3 ? Qu’attendent nos dames de Rocheplatte4, de [mot illisible], de la Rocheterie5, de Castellane? Qu’attend M. Hilaire de Lacombe, pour verser leur souscription et provoquer celle des autres ? Pour mon compte je me suis exécuté avec Henry Cochin6 quand il a passé au Bourg d’Iré.
Ma bronchite suit l’exemple de votre tête, chère Madame, elle se calme sans se retirer.
Toutes mes tendres félicitations à Jean7.
L’abbé Lagrange m’a écrit, et je lui ai répondu pour la millième fois qu’il pouvait venir au Bourg d’Iré quand il voudrait parce que l’état de Mme de Caradeuc8 ne permet pas de la quitter même pour Rochecotte.
A. de F .
P.S. Avez-vous lu l’évêque de Châlons 9dans L’Union de l’Ouest d’hier.
*Archives du Maine-et-Loire.
1Stanislas (1875-1959), dit « Biche », petit-fils de Pauline de Castellane.
2Haussonville, Joseph Othenin Bernard de Cléron, comte d’ (1810-1884), diplomate et homme politique. Il commença sa carrière de diplomate comme attaché à l’ambassade de France à Rome auprès de Chateaubriand en 1929. Après la révolution de 1830, il continua sa carrière diplomatique à Bruxelles, Turin et Naples. Il avait épousé en 1836 la sœur d’Albert de Broglie, Louise Albertine de Broglie. Ayant démissionné de ses fonctions de secrétaire d’ambassade en 1842, il se fit élire à la Chambre des Députés (collège de Provins). Ayant protesté contre le coup d’état du 2 décembre, il se réfugia quelque temps à Bruxelles. Collaborateur de la Revue des Deux Mondes, il fut l’un des chefs de file de l’Union libérale. Le 29 avril 1869, il fut élu à l’Académie française. Après la chute de l’Empire, il se tint à l’écart de la vie politique. Le 15 novembre 1878, il fut néanmoins élu, en tant que républicain conservateur, sénateur inamovible.
4Marie Adrienne Jeanne dit Jenny Drouin de Rocheplatte, née Crublier de Fougères (1816-?).
5Marie Esrnestine de la Rocheterie, née Man d'Attenrode.
6Henry Cochin (1854-1926), fils d'Augustin Cochin, l'ancien directeur du Correspondant et ami de Falloux, homme politique, il était spécialiste de l'histoire et de la littérature italienne de la Renaissance.
7Jean de Castellane (1868-1948), petit-fils de Pauline de Castellane.
8Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), mère de Marie de Falloux. Elle est alors gravement malade.
