CECI n'est pas EXECUTE 10 mars 1881

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10 mars 1881

Emmanuel de Rorthays à Alfred de Falloux

Vannes, le 10 mars 1881,

Monsieur le Comte,

La fermeté de l’évêque1 et l’attitude du Petit Breton ont très vraisemblablement amené M. de Mun à mettre une espèce de sourdine à son clairon. Du moins n’a-t-il pas donné tout à fait la note <mot illisible> que ses amis annonçaient à grand fracas.

Le triomphe de l’évêque a été complet, et le sera vu que le clergé a brillé par son absence.

Mon irritation contre lui et contre eux en est arrivé à son paroxysme. Dans une petite réunion des comités présidés par Monsieur de Monti2 et tenue mardi avant le banquet, il a été résolu que la ruine du Petit breton devait être poursuivie par tous les moyens.

Il est à craindre que la correspondance, datée de Vannes dans le Figaro, ne me cause de graves embarras à ce sujet et peut-être pis à un moment où le Petit breton est en voie de reconstitution. Pas un modéré qui a le courage de ses opinions, J’ai autour de moi dix trembleurs.

L’effet a été tel parmi ceux-ci <plusieurs mots illisibles> ce matin à la lecture du Figaro, que j’ai dû réviser une note dans laquelle je devine la responsabilité de cette publication, ce que je puis faire, je crois en toute sécurité de conscience. Elle paraît dans le Petit breton dès ce jour.

La situation la plus grave que cette lettre me faisait est du côté de Mgr qui n’est pas arrivé du premier coup à cette hauteur de courage, et qui pouvait me suspecter d’avoir voulu le jeter en dehors de son consentement, en plein dans la bagarre publique. Parti pour la campagne lundi je ne l’avais pas vu depuis et c’est à mon retour hier soir que j’ai appris que le Figaro avait parlé.

Je le lui ai porté ce matin mais je ne lui ai pas parlé de ma correspondance aux modérés à ce sujet. Ayant pris les devants sur tout autre implication j’espère que la censure ne tournera pas de ce côté à mon désavantage ce qui compromettrait gravement les choses.

Il va écrire au Monde pour rectifier ce qui a été dit des conseils pris près des cinq évêques et du cardinal et du nonce qui aurait de beaucoup préféré vous laisser en dehors de l’affaire. Mais cette rectification même, si elle a lieu dans les termes dont nous avons parlé ce matin confirmera tout le reste : il est à désirer que le Figaro accepte la rectification purement et simplement.

Je vous écris à bâtons rompus pressés par le courrier, et cette grosse affaire du Figaro sur les bras, qui me vaut visite sur visite. L’impression générale, <mot illisible> celle de La défense d’hier sera publié un article de fond sur Mgr de Vannes et de Mun que l’on attribue ce matin autour de moi à Monsieur de Kerdrel. C’est une approbation bien timide et une opposition bien anodine. Vous sera-t-il terrible, sans qu’il sut que la demande vint de moi, de lui donner un ou deux tours de remontoir ? Vous savez combien je lui suis attaché, en quelle communauté d’idées nous sommes. Je voudrais qu’elle se traduisit plus souvent en une communauté d’action, d’efforts et d’énergie. S’il avait voulu lutter, secondé comme il l’est par moi, son influence dans le Morbihan serait à l’heure qu’il est <mot illisible>.

Il s’est trop défié du résultat et à peut-être aussi d’accentuer les divisions ! Avec cela on ne fait rien. Il faut combattre ou se soumettre.

Mon article sur le laïcisme m’a valu outre votre approbation et vos éloges les plus précieux de tous, des félicitations épiscopales. Le nonce à qui l’évêque l’avait envoyé lui a écrit pour le charger de m’en faire des compliments chaleureux qui se terminent par les mots que vous me pardonnerez ne vous citer. Ce sont des hommes de ce talent, de ce courage et de cette conscience qu’il nous faut »

Il demandait en même temps l’envoi de plusieurs n° à Vannes. Sa lettre était confidentielle ……. L’évêque désire que je l’envoyasse à tout l’épiscopat, ce qui se fait aujourd’hui.

Que je n’oublie pas de vous dire que je l’ai envoyé au premier jour à six ou sept évêques et entre autres au vôtre, à la chambre ! Je n’ai pas besoin d’ajouter que je ne le compte pas parmi ceux qui m’ont félicité.

Veuillez agréer, Monsieur le comte, l’expression de mon respectueux et inaltérable attachement.


Emmanuel de Rorthays

1Mgr Bécel, Jean-Marie (1825-1897), évêque de Vannes du 30 décembre 1865 au 6 novembre 1897.

2René Monti de Rezé, comte (18-19?), propriétaire légitimiste, auteur de Souvenirs du comte de Chambord.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «10 mars 1881», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1881,mis à jour le : 13/11/2020