1885 |
25 décembre 1885
Théobald de Soland à Alfred de Falloux
Paris, 25 décembre 1885
Cher ami,
Vous vous êtes mépris, par ma faute, sur le sens d’une phrase de ma lettre quand je parlais de la reproduction du discours de l’évêque1 dans l’Union de l’Ouest, je croyais qu’il s’agissait de la reproduction in extenso d’après L’Officiel, ce qui aurait rempli trois numéros du journal, c’eut été beaucoup.
Quant au compte rendu analytique, il était indispensable pour le public de le reproduire, nous sommes absolument d’accord.
La droite est restée unie dans la question des crédits, et l’éloquence de l’évêque n’a détourné aucun vote.
Les députés du Finistère ont à l’unanimité voté contre les crédits2. L’évêque qui était reparti pour les fêtes de Noël, n’a pas trouvé dans la droite un seul député pour voter pour lui ; il a dû s’adresser à un républicain, M. Amagat3, qui, lui, s’abstenait pour son compte.
Je n’ai pas à vous faire de réflexion sur le résultat qui donne au gouvernement une majorité de 4 voix achetées par 82 invalidations, mais ce qu’il faut remarquer c’est que le résultat était changé si l’évêque avait voté avec la droite et si de Mun et de Terves4 ne s’étaient pas abstenus, ce dernier, (de Terves) est en congé, il aurait pu, comme nous le lui avons demandé, laisser sa carte de bulletin à Maillé5, il a tenu à rester en congé pour ne pas plus avoir de responsabilité dans le Tonkin que dans l’Union de l’Ouest ; ce n’est pas fini.
L’article de l’Univers a exaspéré Cassagnac6 qui compte, nous a-t-il dit, faire mardi dans Le matin un portrait de notre évêque. Ce sera brutal et à l’emporte-pièce,, il est probable que la mesure sera dépassée, enfin nous verrons, ce qui est certain, c’est qu’à la Chambre il n’y a qu’une seule opinion à droite sur le personnage et elle n’est pas faite pour flatter sa vanité.
Th. de Soland
2Il s’agit des crédits destinés à couvrir les frais de l’expédition coloniale au Tonkin et à Madagascar, une expédition à laquelle la droite était opposée.
3Louis Amagat (1847-1890), député d’extrême gauche, élu du Cantal de 1881 à 1885, réélu en 1885 comme républicain indépendant.
4Léonce de Terves (1840-1916), propriétaire du Maine-et-Loire. Elu député de son département, il siégera à la Chambre de 1881 à 1893 aux côtés de la droite monarchiste.
5Maillé, Armand Urbain Louis de La Jumellière de (1816-1903), député monarchiste de la circonscription de Cholet depuis 1871, il conservera son siège jusqu'en 1896, siégeant constamment avec l'Union des Droites.
6Cassagnac, Paul-Adolphe-Marie de Granier de (1808-1880), écrivain, historien et homme politique français. Partisan de la dynastie d’Orléans sous la monarchie de Juillet. Bonapartiste extrême sous la Seconde République, il applaudit au coup d’état et soutint Napoléon III par son activité littéraire. Il fut membre du Corps législatif. Il avait fondé, en 1849, le quotidien Le Pays, devenu l'organe du parti bonapartiste.
