CECI n'est pas EXECUTE 27 janvier 1879

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27 janvier 1879

Pierre-Henri Lamazou à Alfred de Falloux

Paris le 27 janvier 1879

Monsieur le comte,

Je m’étais bien promis de ne pas vous fatiguer de longtemps de ma modeste correspondance. Si je manque aujourd’hui à mon engagement, c’est à vous et non à moi que vous devez vous en prendre.

Je terminais à l’heure du matin la lecture de votre second article1 sur Mgr Dupanloup. Jamais je n’ai rien lu d’attachant, délicat, fortifiant comme ces belles pages. J’avais vu de très près M. Berryer, Mgr Dupanloup, surtout M. Thiers pour lequel je continue à professer la plus profonde sympathie sans doute parce qu’au pouvoir il a bien voulu se souvenir de moi. Ce qui se passe aujourd’hui n’est guère propre à me faire oublier de tels hommes. Merci de nous en parler si bien ! Permettez-moi d’ajouter que je vous ai trouvé bien indulgent à l’endroit des cocardiers. Car le corsaire qui, à cette époque, afin de faire sa cour à César, ce service du mode cocardier pour injurier les meilleurs serviteurs de la monarchie est devenu plus intolérable des cocardiers depuis que, César disparu, il fait la cour au roi. Je me demande même si la fine délicatesse avec laquelle vous faites allusion à cet incident sera comprise des principaux intéressés.

Ce qui a été bien compris et ce dont on vous gardera bien rancune, c’est le passage du précédent article relatif à l’exclusion de M. Veuillot de la commission chargée de préparer la loi sur l’enseignement « après mûre réflexion, j’aimais mieux l’exposer à la tentation de critiquer des choses faites sans lui que de l’armée du droit d’empêcher de les faire »

Vraiment, Tacite n’aurait pas mieux dit. Au demeurant, le funeste personnage2 est très ennuyé et même démoralisé. L’avènement de Léon XIII, la diminution de son crédit, les hommes rendus à la mémoire de Mgr Dupanloup tout cela l’a singulièrement abattu. J’ai vu dernièrement un médecin qui est de ses amis « c’est un homme usé, un homme fini » m’a t-il dit.

Chose singulière ! Ce médecin n’a jamais cru beaucoup aux ardentes convictions de son ami.

J’ai assisté à l’inauguration de la statue de Berryer. Quoique sans aucun caractère officiel, l’hommage n’a été que plus émouvant et plus éclatant.

Je me trouvais à côté de Monsieur le Comte de Rességuier. Comme moi, il désirait vivement pouvoir aller à Rome, et il serait immédiatement prêt à vous y accompagner ou à vous remplacer au Bourg d’Iré. J’attache une importance capitale à ce voyage.

On dirait que l’évêque d’Angers veut prendre la place de l’évêque d’Orléans. Malheureusement il a un très mince crédit. Je crois même que prenant la parole un évêque aurait été plus dans son rôle en défendant les frères et les religieux plutôt que les premiers présidents et les procureurs généraux.

Je voulais écrire huit ou dix lignes et voilà que je me trouve au bout de la quatrième page. Excusez mon indiscrétion, car je ne puis décliner la responsabilité de celle-ci.

Veuillez agréer, Monsieur le comte, l’assurance de mes plus respectueuses sentiments.

Lamazou

curé

1Le Correspondant avait publié des articles de Falloux du Mgr Dupanlpoup. Falloux s’apprêtait alors à publier une biographie du célèbre évêque, L’évêque d’Orléans, Paris, Didier, 1879, 211 p.

2Louis Veuillot.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «27 janvier 1879», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1879,mis à jour le : 18/12/2020