CECI n'est pas EXECUTE 12 janvier 1879

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12 janvier 1879

Paul Andral à Alfred de Falloux

Paris, le 12 janvier 1879

Cher Monsieur,

Le duc de Noailles, comme président du comité de la souscription pour la statue de M. Berryer, n’avait voulu laisser à personne le soin de vous écrire pour vous tenir au courant, mais il est bien souffrant, bien affaibli, et j’apprends qu’il ne vous a pas encore écrit.

Quoique je ne puis espérer que votre santé vous permette de venir et que vous sachiez sans doute déjà ce qui se fera, je tiens à vous le dire exactement. La cérémonie se composera de trois discours du Duc de Noailles qui lira, M. Rousset1 au nom du comité et de l’académie, et M. de Larcy2 comme doyen des anciens collègues à la Chambre de M. Berryer et de M. Nicolet comme bâtonnier des avocats. Votre voix manquera, cher Monsieur, vous qui certainement êtes de tous les vivants le plus autorisé à faire revivre M. Berryer. Nous avons aussi des intransigeants et opportunistes qui vous redoutent et qui chez nous comme ailleurs sont la majorité ; il a fallu s’incliner et je tiens à vous dire que ni M. le duc de Noailles ni moi nous n’avons par un oubli qui serait impardonnable négligé le plus grand et le plus digne hommage qui peut être rendu à Berryer. Nous en sommes réduits à nous estimer heureux qu’on se contente de M. de Larcy et qu’on inflige pas à la statue de Berryer l’outrage d’un hymne sur la contre-révolution.

Il y a bien longtemps, cher Monsieur, que je n’ai eu l’honneur de vous voir ; il y a bien longtemps que vous ne m’avez averti de vos trop rares et trop courts voyages. Ce n’est pas une plainte, mais c’est un vif regret ; dans les temps si tristes que nous trouvons j’aurais tant à vous dire et tant de profit à vous entendre ! Notre ami Gaillard s’était chargé de vous dire mon admiration pour votre belle et courageuse réponse3 à M. de Mun ; j’espère qu’il ne l’a pas oublié. Puisque j’ai aujourd’hui la bonne fortune de causer avec vous un instant permettez-moi de vous remercier de la communication que vous avez faite au Correspondant sur les grands faits de 1850 ; j’espère que nous en aurons bientôt la suite. Ce sont des enseignements qui nous viennent bien à propos.

Veuillez bien agréer, cher Monsieur, la fidèle assurance de mon respectueux dévouement.

Andral

 

1Camille Rousset (1821-1892), auteur d'ouvrages militaires. Il avait été élu le 30 décembre 1871.

2Larcy, Charles Paulin Roger Saubert de, baron (1805-1882), homme politique. Entré dans la magistrature en 1826, il démissionna après la chute de Charles X pour se lancer dans la vie politique. Conseiller général d’Alés, il fut élu député (collège de Montpellier) de 1839 jusqu’à sa démission le 29 janvier 1844, date à laquelle il fut déclaré « flétri » comme plusieurs députés légitimistes ayant été faire acte d’allégeance auprès du comte de Chambord. Réélu quelques semaines plus tard, il fut battu en 1846. Élu à la Constituante (Gard) et à la Législative (Gard), il soutint Louis Napoléon Bonaparte lors de l’élection à la présidence. Emprisonné quelques heures lors du coup d’Etat du 2 décembre, il démissionna de son poste de conseiller général d’Alés et se consacra à des études historico-politiques. Candidat à plusieurs reprises au Corps Législatif (1864, 1868 comme « catholique libéral » et 1869), il fut régulièrement battu. Élu le 8 février à l’Assemblée nationale (Gard), il entra peu après dans le gouvernement de Thiers comme ministre des Travaux publics. Il quitta le gouvernement le 30 novembre 1872 et rejoignit ses amis légitimistes de la réunion des Réservoirs. Il retrouva son poste de ministre des Travaux publics dans le gouvernement du duc de Broglie du 26 novembre 1873 au 21 mai 1874. Il vota contre les lois constitutionnelles de 1875. Le 4 décembre 1877, il fut élu sénateur inamovible. De 1867 à 1876, il collabora au Correspondant, pour lequel il écrivit des articles sur la Révolution et la Restauration.

3Dans son article «De la Contre-révolution » (Le Correspondant, 25 octobre 1878), Falloux mettait en garde les catholiques contre les risques qu’il y aurait à s’engager derrière la bannière de la « contre-révolution» brandie par A. de Mun.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «12 janvier 1879», correspondance-falloux [En ligne], 1879, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 15/02/2021