CECI n'est pas EXECUTE 29 avril 1856

Année 1856 |

29 avril 1856

Alfred de Falloux à Charles de Montalembert

29 Avril 1856

Cher ami, je vous renvoie, avec mille remerciements, la lettre du baron d’Eckstein1, et je dicte celle-ci du fond de mon lit, que je n’ai pas pu quitter de toute la journée. Mon commencement de fluxion a tourné cette nuit en une rage de tête et d’yeux si abominables que je n’ai pas eu un instant de sommeil. Je suis donc obligé de renoncer à dîner avec vous chez Madame de Chastenay2 ; ma femme vient de lui écrire ; mais je ne vous en prie pas moins de lui exprimer bien vivement mon regret. Veuillez en faire agréer aussi une bien large part à Madame de Montalembert3.

Je me soigne d’autant plus que je tiens extrêmement à pouvoir gagner demain Orléans4, coûte que coûte. Si cependant cela m’était absolument impossible, je ne manquerai pas de vous en faire avertir et de vous demander quelques instants.

Si vous ne recevez rien demain, c’est que j’aurai pu partir.

En tout cas, voici mon manuscrit approximatif ; je voulais consacrer une journée d’aujourd’hui à l’éplucher et le resserrer avant de vous le soumettre. Mais ma tête s’y est absolument refusée. Vous le trouverez fort loin du programme du baron d’Eckstein. Il a bien raison, en principe ; mais en fait, si nous embrassions tout nous ne pourrions rien étreindre. Ce qu’il souhaite sera l’œuvre du Correspondant, en général, je l’espère ;mais ne peut guère ressortir d’un article particulier, ayant pour but de constater une séparation précise et de frapper sur un public spécial.

Veuillez, je vous en prie, vous placez à ce point de vue, en me lisant.

Je vous suis bien reconnaissant quand vous aurez achevé votre travail sur mon manuscrit de le remettre au prince de Broglie, et de lui faire admettre mon excuse de ne le lui point porter moi-même, en lui faisant connaître et ma détention dans mon lit et le grave motif qui me fait quitter Paris demain, si je le puis.

Veuillez lui présenter aussi ma prière de m’accorder l’attention et la franchise qu’il avait bien voulu accorder au premier article. J’ose vous demander à tous de (quoi que vous personnellement, cher ami, vous n’aimiez pas cela) de me travailler sur le manuscrit et non de compléter sur l’épreuve, car lorsque je reviendrai d’Augerville, je n’aurais plus que cinq ou six jours à rester à Paris. Je les emploierai alors à me conformer aux observations faites et à corriger la première épreuve qui serait alors définitif. J’ai des motifs tout à fait impérieux pour partir d’ici et me trouver au Bourg d’Iré du 10 au 12 mai.

Je joins ici une petite note à part de ce que je demande à votre collection de l’Univers. Ne pourriez-vous pas donner une indication à Fontaine5 et l’envoyer chez l’abbé Cognat6, durant mon absence d’Orléans et d’Augerville.

Je ne manquerai pas d’emporter avec moi la lettre de mon frère. Mille et mille tendres remerciements.

A. de Falloux

1Eckstein, Ferdinand, baron d’ (1790-1861), philosophe et auteur dramatique danois, orientaliste, il fut aussi sous la Monarchie de Juillet, le principal représentant du mouvement de la renaissance orientale à Paris.

2Chastenay, Henriette Louis Philiberthe née de Laguiche (1779-1863).

3Marie-Anne Henriette dite Anna de Montalembert, née de Mérode (1818-1904), veuve de Charles de Montalembert avec qui elle s'était mariée en 1836.

4Falloux doit se rendre auprès de Mgr Dupanloup.

5Secrétaire de Falloux.

6Cognat, Joseph (1821-1887), abbé. Prêtre catholique ordonné en 1847. Écrivain et journaliste, il fut Directeur de l’Ami de la religion (1852-1856). - Adversaire de Louis Veuillot, il venait de publier une brochure très critique à l’égard de L’Univers. Curé de la paroisse Notre-Dame des Champs, Paris (à partir de 1871). - Helléniste.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «29 avril 1856», correspondance-falloux [En ligne], Année 1856, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Second Empire, Année 1852-1870,mis à jour le : 22/03/2021