CECI n'est pas EXECUTE 29 juin 1856

Année 1856 |

29 juin 1856

Alfred de Falloux à Charles de Montalembert

Paris, 29 juin 1856

Cher ami,

Me voici au moment même de mon départ. Je vais avec l’évêque d’Orléans1 passé 24 h. chez Madame de la Ferté2 et, de là, regagner l’Anjou comme je pourrai. Je n’ai (sauf en politique) que d’excellentes impressions à vous transmettre. Votre article produit le plus grand et le plus heureux effet. Vous n’avez eu qu’un échantillon par la lettre du Marquis de Brignole3. Salvandy, Villemain et Cousin se déclarent très satisfaits de M. Foisset vis-à-vis de M. Thiers, non seulement pour la mesure du langage, mais pour le fond même de la discussion. Cousin commençait un discours assez échauffé sur son paragraphe dans l’article de M. Laforêt4. J’ai coupé court en l’assurant que chacun de nous l’avait accueilli sur le nom de son auteur et sans le soumettre à un examen préalable. Il s’est borné alors à se rabattre sur sa situation exceptionnelle à Rome dont il continue à se montrer très préoccupé5. Il doit aller voir le nonce6 demain et le nonce m’a promis hier de lui réserver l’accueil le plus affectueux. J’ai épuisé par cette dernière mise en rapport ce qui me semble possible dans ma situation et dans ma sphère. Demandons maintenant à Dieu que l’énorme faute si ardemment souhaitée ne soit pas commise! Aucune nouvelle de Rome sur ce chapitre jusqu’à hier. Tout délai me semble de bon augure, sans m’affranchir d’inquiétude. Corcelles m’écrit de nouveau qu’il est à l’œuvre et me demande quelques renseignements que je lui envoie par le courrier d’aujourd’hui. Les réponses de Veuillot sont unanimement jugées par tout ceux que je rencontre comme le signe le plus évident de sa mauvaise situation. Il annonce aujourd’hui que d’autres réponses vont venir et très vite. Très vite est joli, au bout de six semaines ! Il y a plus que jamais évidence pour le Correspondant à le laisser patauger, sans lui venir en aide par le moindre bout de perche, c’est-à-dire de réplique.

La protestation des princes contre les six cent mille Fr. du grand livre vient d’arriver à Paris. On la dit mélangée de plusieurs phrases inutiles et même fâcheuses faisant beaucoup la leçon au comte de Chambord et pas du tout au comte de Paris. S’il en est ainsi on élargira les déchirures, au lieu de les recoudre ; on oubliera une fois de plus que les fautes commises par l’un de nos deux côtés ne profite nullement à celui des deux qui ne la commet pas mais tourne contre l’un et l’autre, au bénéfice du tiers qui n’a d’autre rôle en ceci que de nous regarder et de nous laisser faire.

J’attends avec bien de l’anxiété, cher ami, des nouvelles de Madame de Montalembert7. Si je ne vous en parle pas en première ligne ni de ma tendre reconnaissance pour elle et pour, c’est que cette lettre doive porter les petits détails que vous ignorez et non la chose de ce monde que vous devez le mieux savoir.

A. de F

2Clotilde Christine Adélaïde de La Ferté-Meung, née Molé de Champlatreux (1810-1872) et son époux Fernand de La Ferté-Meung, (1805-1884). Légitimiste, il était l'un des partisans de la fusion avec les orléanistes.

3Brignole-Sale, Antonio, marquis de (1786-1863), diplomate. Il avait été ambassadeur de Sardaigne à Paris.

4Laforêt, Nicholas-Joseph (1823-1872), philosophe et théologien belge.

5Victor Cousin est alors menacé d’excommunication pour certains de ses travaux. Voir lettres du 12 avril 1856 et du 14 avril 1856.

6Sacconi, Carlo (1808-1889), prélat italien. Membre de la curie romaine, il fut nommé archevêque titulaire de Nicée et nonce apostolique en Bavière en 1851, puis en France de 1853 à 1860.

7Marie-Anne Henriette dite Anna de Montalembert, née de Mérode (1818-1904), veuve de Charles de Montalembert avec qui elle s'était mariée en 1836.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «29 juin 1856», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1856,mis à jour le : 22/03/2021