CECI n'est pas EXECUTE 10 octobre 1856

Année 1856 |

10 octobre 1856

Alfred de Falloux à Charles de Montalembert

10 octobre 1856

Très cher ami,

Je viens de traverser la bénédiction de ma chapelle, d’avoir l’évêque1 durant plusieurs jours, tout le clergé du pays (le curé de Segré m’a très vivement chargé de vous exprimer son regret de n’avoir pas été admis à vous voir), à tout cela j’ai gagné une crise de névralgie qui m’a rendu très douloureux, et je vous assure très méritoire, le peu de travail que j’ai consacré à cette seconde édition : mes notes sont depuis hier entre les mains de M. Bray. Je n’en ai pas gardé le double, il faudrait donc que M. Douhaire2 se les procurât et vous les envoyât par le susdit libraire. Très sincèrement je ne vous en donne pas le conseil. Elles sont écrites de mon style le plus malade ; à cela cependant, votre inépuisable vigueur pourrait remédier ; mais elle serait surtout mauvaise pour le Correspondant. L’apparition explicite de la fusion dans le recueil est en dehors et doit rester en dehors de notre programme ; elle effaroucherait dans notre propre camp, plus qu’elle ne porterait la lumière dans le camp opposé. J’ose craindre, je vous l’avoue, cher ami, qu’il en fut de même si, après six semaines d’intervalle votre lettre surgissait aussi dans le Correspondant. On ne manquerait pas de dire que nous donnons le signal de la reprise d’une polémique en règle ; que nous prenons l’héritage de l’abbé Sisson3 trés à coups de crosse ; que nous manquons à l’engagement de suivre paisiblement notre marche religieuse et littéraire etc. etc. Il me semble donc que notre situation commune peut et doit se résumer pour le moment dans ces quelques mots de ma préface qui paraîtront bien assez impertinentes à beaucoup de gens : « ce que nous pensions hier nous le pensons encore davantage aujourd’hui ». Toute cette prudence n’exclut pas pour moi le désir de voir mes notes obtenir le plus de publicité possible. Ne pouvant plus compter ni sur l’Union, ni sur l’Assemblée, j’ai toujours lieu d’espérer le concours étendu et actif de St-Chéron et celui de beaucoup de Gazettes de province. Vous pourriez aussi obtenir beaucoup de votre côté, en ce genre, plus en Belgique, à Munich ou ailleurs. Veuillez donc, à ce point de vue, non seulement lire, mais corriger et augmenter si vous en avez la patience ! Vous avez eu bien tort de ne pas m’indiquer ce qui fait le plus lacune dans la préface, suppléez-y par les notes. L’édition sera à 1,25 Fr., comme celle de Veuillot ; il faut donc selon moi, viser à la protestation simple et digne dans le Correspondant : à la réfutation détaillée et directe dans la brochure.

Cela dit humblement, cher ami, je retourne me coucher pour tâcher de regagner quelques forces à l’encontre de Mgr d’Orléans4, qui n’a encore jusqu’à ce moment ni réitéré ni retiré l’espérance de le posséder. Je vous embrasse de tout cœur.

 

Alfred

2Douhaire, Pierre-Paul (1802-1889), catholique libéral bourguignon, apparenté à Théophile Foisset, il est alors secrétaire général du Correspondant où il assure notamment la chronique littéraire.

3Sisson (1825-1910), prêtre. Ordonné en 1849, il fut professeur au petit séminaire de Strasbourg, puis au séminaire de St-Esprit à Paris. En 1854, il devint rédacteur puis directeur de L'Ami de la Religion, journal religieux de tendance légitimiste créé sous la Révolution. Le journal avait été réorganisé en mars 1859 pour devenir un quotidien de grand format. Curé d'Antony (1862-1875), puis de St Honoré d'Eylau (1875-1889).

4Mgr Dupanloup.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «10 octobre 1856», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1856,mis à jour le : 22/03/2021