CECI n'est pas EXECUTE 4 septembre 1867

Année 1867 |

4 septembre 1867

André Fontaine à Charles de Montalembert

4 Septembre 1867

Très cher ami,

Il fait bon être des vôtres dans ce pays, et j’ai reçu hier à Malines1 un accueil dont je n’avais nulle idée. Cela m’a déterminé à parler tout de suite ; car si après une telle démonstration de bienveillance, j’ai tardé à exprimer ma gratitude, je ne pouvais plus alors apparaître à la tribune qu’avec un travail préparé et prétentieux. J’ai mieux aimé me fier à ma propre émotion et à l’indulgence qu’excite toujours une improvisation évidente. J’ai mal parlé, mais cependant j’ai dit à peu près tout ce que vous souhaitiez. J’ai développé entre’autres ce thème-ci : Pie VII2 et Pie IX traversent à peu près les mêmes épreuves. Mais quelle différence dans l’attitude des défenseurs !

Derrière Pie VII une Église en deuil et en prières mais n’osant saisir le glaive du combat. À côté de Mérode, Montalembert, Dupanloup, Lamoricière. D’où vient donc cette différence. C’est que dans l’intervalle nous étions formés et aguerris dans les luttes de la pensée et de la parole libre, etc., etc., etc. L’évêque va vous dire tout à l’heure de quelles acclamations unanimes et dix fois répétées votre nom a toujours été couvert, et ce n’est pas pour vous l’apprendre que je vous écris ; mais pour vous soumettre une idée qui m’est venue depuis que l’évêque est parti pour Rixensart, et que la menace croissante d’une crise me détermine à ne pas le suivre pour aujourd’hui. J’ai pris solennellement l’engagement à la tribune hier de vous transmettre les applaudissements que je recueillais pour le passage qui vous concerne. Ne pourriez-vous pas m’écrire dix lignes seulement pour remercier le congrès et bien sceller ainsi son ultime et bien fidèle union avec vous. Ces dix lignes me donneraient l’occasion de remonter une minute à la tribune vendredi et d’y prononcer toutes paroles définitives et dernières que vous jugeriez à propos de me suggérer comme résumé de la situation.

Je voulais aller vous dire tout cela au lieu de vous l’écrire. Mais en outre de mon extrême fatigue, je suis presque inquiet de ma belle-mère, ce que je n’ai pas eu le temps d’expliquer à l’évêque pressé par votre chemin de fer. Elle a été prise de maux de cœur et de quasi suffocation hier à Malines. Elle s’en est prise à la chaleur ; mais comme c’est une admirable santé que ni le froid ni le chaud n’ont jamais troublé un seul instant, je crains une indisposition presque sérieuse, et je n’attends pas sans anxiété les nouvelles que je recevrai d’un moment à l’autre d’Anvers. C’est là que ces dames sont allées coucher, croyant que plus près de la mer elles trouveraient plus de fraîcheur, tandis que je revenais à Bruxelles pour aller vous voir ce matin si ma nuit et ma matinée avaient été meilleures. En tout cas je garde mon quartier général à l’hôtel Bellevue, j’y reçois mes lettres et je ne repartirai assurément sans vous avoir revu, bien cher ami, et sans avoir bien vivement remercié de nouveau Madame de Montalembert.

Falloux

Si vous m’écrivez les dix lignes que je souhaite, il est bien entendu qu’il n’y aura pas une seule syllabe qui me concerne. Comme je vous ai rendu hommage du fond de mon cœur, si vous me rendiez le moindre compliment, nous deviendrions ridicules tous les deux. Ce que je rêve c’est une page grave, attendrie, sur l’Église tout entière à sa cause.

1Ville de Belgique où se tient alors le 3e congrès des catholiques et au cours duquel Falloux prononça un important discours.

2Barnaba Chiaramonti (1742-1823), élu pape en 1800. Allusion ici au conflit du pape avec Napoléon désireux de s’approprier les états pontificaux et qui aboutirent un temps à l’enlèvement du pontife par les troupes françaises.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «4 septembre 1867», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1867,mis à jour le : 05/01/2022