Année 1846 |
7 septembre 1846
Jean-Xavier Gagarin à Alfred de Falloux
7 septembre 1846
Mon cher vicomte,
Une petite absence que j’ai été obligé de faire ne m’a pas permis de répondre, aussi promptement que je l’aurais voulu, à votre très aimable lettre. Je voulais vous dire combien j’avais été touché de tout ce qu’elle contient d’affectueux pour moi et surtout des excellents sentiments que vous y manifestez, sentiment que je suis depuis longtemps habitué à respecter en vous, mais que l’on est tout heureux de rencontrer dans la personne d’un député. Je voulais vous parler de toutes les espérances que vous faites concevoir, de tout le bien que vous pouvez et que vous devez faire dans la carrière dans laquelle vous êtes généreusement entré, du soutien que vous ne pouvez manquer de trouver dans celui qui ne le refuse jamais à ceux qui l’implorent, mais vous ne m’en laissez pas le temps et la nouvelle de vos succès1 vient me surprendre agréablement avant que je n’ai eu le loisir de vous les prédire.
Étranger, à tant de titres, aux agitations de la lutte à laquelle vous prenez une glorieuse part, je ne suis pas étranger par le cœur aux grands intérêts que vous défendez et je serai toujours fidèle à remercier Dieu de tous vos succès et à lui en demander de nouveaux. Veuillez de votre côté, ne pas m’oublier dans vos prières, moi que vous avez connu si longtemps rebelle à la grâce et qui n’est rien en moi pour correspondre à la sublime vocation à laquelle notre sauveur a daigné m’appeler.
Tout à vous dans le cœur de Jésus et de Marie.
J.X. Gagarin2
P.S. J’espère voir Madame Swetchine à Paris dans les derniers jours de septembre ; je n’ai pas espoir que vous y soyez à cette époque.
1Falloux venait d’être élu député du Maine-et-Loire.
2Gagarin, Jean-Xavier, prince (1814-1882), diplomate et écrivain d’origine russe. A 21 ans, il fut attaché d’ambassade à Munich puis à Paris. Converti au catholicisme en 1842 dans la chapelle de Mme Swetchine, sa tante par alliance, il entra, en 1843, dans la Compagnie de Jésus sur les conseils de son ami le P. de Ravignan. Il enseigna la philosophie et l’histoire religieuse en Belgique (1849-1851), puis à Laval (1853-1854). Il écrivit plusieurs ouvrages sur les rapports de la Russie et l’Église romaine dont La Russie sera-t-elle catholique ?
