CECI n'est pas EXECUTE 9 août 1868

Année 1868 |

9 août 1868

Yvan Gagarin à Alfred de Falloux

Versailles, 20, rue Saint-Honoré, 9 août 1868

Mon cher,

J’arrive de Beaumesnil1, j’en ai rapporté toutes les lettres de Madame Swetchine qui s’y trouvaient et je les tiens à votre disposition. Mais ne chantez pas trop tôt victoire. Le tout n’est pas grand-chose. Il y a une lettre au comte Xavier de Maistre2, au moins je crois.

En fait de lettres au comte , il y a une lettre du 5/17 mars 1815, une autre sans date, plus cinq lettres datées, de Paris, 6 mars ; de Paris, 11 mars, de Vienne, 23 septembre, de Moscou, 1er novembre ; de Pétersbourg 8 septembre.

Une grande partie de ces lettres sont sur une querelle assez violente entre eux, au sujet de lettres non répondues etc. etc.

Le comte Charles de Maistre3 a mis beaucoup d’empressement à mettre ces lettres à votre disposition. Il vous demande deux choses; 1° à lui restituer ses lettres lorsque vous en aurez pris ce qui vous conviendra ; 2° de ne pas livrer à la publicité cette querelle de lettres.

Ces papiers laissés par le comte de Maistre sont un vrai trésor. En les parcourant, je faisais des vœux pour qu’on nous donnât bientôt une édition des œuvres complètes du comte de Maistre. Cela manque et cela est nécessaire. Avec ce qu’il a laissé, il y a moyen de faire une très bonne édition. Il faudrait un éditeur ; ou plutôt l’éditeur ce serait son petit-fils mais il faudrait quelqu’un pour l’aider.

Sur les Jésuites de Bernay, j’ai trouvé des pièces très précieuses surtout une collection de lettres du P. Rozaven4.

J’ai parcouru également les correspondances Russes. J’ai apporté pour Augustin5 des lettres de sa grand-mère, la princesse Alexis. Il y a deux lettres de Roxandre6 ; plusieurs très jolies lettres de Rosalie Rzeurska, née Lubermiska7. Une lettre de Madame Frédro8, avant son mariage, Pache Golovin, une autre de sa mère.

En faisant ce dépouillement, j’ai eu l’occasion d’ouvrir la vie de l’abbé Verarin, curé de Genève récemment publiée. Je vous signale un passage peu bienveillant pour Madame Swetchine.

Les auteurs de la vie disent avoir en leur possession une volumineuse correspondance de la princesse Lamquiska, née Manicka, remariée plus tard à un Potocki. Cette dame, fille d’une mère schismatique, avait été élevé dans le schisme elle abjura entre les mains de l’abbé Verarin. Ces messieurs se proposent de publier cette correspondance et à cette occasion, et parle de la correspondance de Madame Swetchine et disent que celle de la Princesse Lamquiska est bien supérieure. On ne peut pas les contredire puisque nous ne connaissons pas la correspondance de la princesse Lamquiska et que d’ailleurs on ne pourra pas disputer des goûts, mais j’ai pensé que vous aimeriez être informé de cette circonstance.

Dans les lettres de Madame Swetchine au comte de Maistre, il y a entre autres choses, un fort joli portrait du prince Koslowski9. Je vous enverrai ces lettres dès que vous m’aurez fait connaître un moyen sûr de vous les faire parvenir.

Mes respects à Madame la comtesse et à Mademoiselle votre fille. Je regrette beaucoup de ne pouvoir pas les leur porter moi-même et de vous embrasser en même temps.

Y. Gagarin

1Château de Beaumesnil, demeure de Charles de Maistre dans l’Eure.

2Joseph de Maistre (1753-1821), philosophe. Savoyard, il était sujet du roi de Piémont-Sardaigne. Magistrat au Sénat de Savoie comme son père, il quitta la Savoie à l'arrivée des troupes françaises en septembre 1792 et se réfugia en Piémont puis en Suisse. Il publia, en 1797, son premier ouvrage Les considérations sur la France. Rentré en Italie en 1799, il fut chargé par le roi de Sardaigne de le représenter auprès du tsar. Il resta en poste à Saint-Pétersbourg jusqu'en 1817. Revenu en Italie, il mourut à Turin. Auteur de plusieurs ouvrages, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (1814), Du Pape (1819) et Les Soirées de Saint-Pétersbourg (ouvrage publié en 1821 peu après sa mort), De Maistre, comme De Bonald refusa tout compromis avec les principes nouveaux issus de la révolution. Joseph de Maistre et Mme Swetchine, sur laquelle Falloux une biographie, avaient lié connaissance en Russie.

3Charles de Maistre (1832-1897), petit-fils de Joseph de Maistre. Personnalité de l'Eure, il se consacra à diverses œuvres charitables et fonda un périodique La Croix de l'Eure destiné aux ouvriers. Royaliste et ultramontain, il contribua au développement du catholicisme social.

4Le Père Jean-Louis de Lésseigues de Rozaven (1772-851), de l'ordre des jésuites, fut à l'origine de plusieurs conversions dans l'aristocratie russe, en particulier de celle de Mme Swetchine.

6Roxandre Stourdza, comtesse Edeling (1786-1844).

7Aleksandra Franciszka Lubomirska (surnommée Rosalie son père) (1788 – 1865) aristocrate polonaise, artiste et écrivaine fille du Prince Alexander Lubomirski et de Rosalie Lubomirska.

8Pache Frédro ( ?- ?) née comtesse Golowine.

9?


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «9 août 1868», correspondance-falloux [En ligne], Année 1868, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Année 1852-1870, Second Empire,mis à jour le : 28/08/2022