CECI n'est pas EXECUTE Ier août 1871

1871 |

Ier août 1871

François Lagrange à Alfred de Falloux

Orléans (évêché), le 1er août 1871

Monsieur le Comte

Je suis vraiment confus de la bonté avec laquelle vous voulez bien me parler ; et quant à des félicitations pour le discours de Mgr [Dupanloup], assurément j’ai bien joui en entendant ce discours, et vous avez bien perdu en ne l’entendant pas mais enfin c’est à vous, surtout que les félicitations reviennent, nonobstant votre modestie. Et c’est moi au contraire qui doit vous remercier de tant de bonté dont vous nous avez tous comblés. C’était la première fois que j’avais le bonheur de vous voir si longtemps et de si près. Combien de jouissances diverses ce trop court séjour m’a donné, je ne vous le dirai pas. J’en voulais bien un peu à ceux qui, trop souvent à mon gré vous arrachaient à nous ; mais je comprenais bien que vous ne pouviez pas être à Versailles pour nous seul ; et je pardonnais encore moins aux névralgies affreuses qui venaient ensuite vous punir de nous avoir abandonnés. C’est une calamité publique une santé sujette à de telles alternatives et à de si aiguës souffrances ; néanmoins, votre vaillance à Versailles a prouvé évidemment que rien désormais ne pouvait plus vous éloigner de la chambre que la lâcheté de vos amis. Mais je crois qu’ils commencent à s’en apercevoir, et qu’ils se proposent, dès que l’occasion se présentera, de réparer cette impardonnable faute, de ne vous avoir pas fait nommer malgré vous, et sans vous. De politique, c’est là tout ce que je vous dirai ; car que pourrais-je moi vous apprendre ? Et d’ailleurs, In silvan en ligne seras, et puis nous assez loin de Versailles. Mgr, ayant par ses discours délivré son âme, comme il est dit dans les livres saints, Liberati animum mean, me parait, un peu à mon regret, car il serait si utile à Versailles, disposé à ajouter : Que longati fugiens… mensi in Solitudine. Nous partons ce soir, l’abbé Couvreux avec nous, pour Paris ; c’est tout ce que je puis pour le moment vous dire. Et de là si du mieux nous allons au Bourg d’Iré, espace de solitude aussi, que je me représente comme toute parfumée des choses de l’âme, de l’esprit, du cœur, de la philosophie chrétienne, de la littérature, de la politique, des souvenirs des hommes que j’ai plus admirés de loin que connus, de visu ! Mais non, ce n’est pas je crois, de ce côté que nous nous dirigerons. Ce n’est pas moi qui tiens le gouvernail. Croyez que si quelque jour je pouvais déterminer une pointe de ce côté, je n’y aurais pas grand mérite, car j’y sens un attrait trop peu désintéressé ! Veuillez agréer du moins pour le moment, Monsieur le comte, l’humble hommage de tous mes plus respectueux et dévoués sentiments.

F. Lagrange


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «Ier août 1871», correspondance-falloux [En ligne], 1871, CORRESPONDANCES, Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 06/10/2022