CECI n'est pas EXECUTE 26 novembre 1878

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26 novembre 1878

Leopold de Gaillard à Alfred de Falloux

Paris, 26 novembre 1878

Mon cher Monsieur de Falloux,

Vous voilà en face d’une nouvelle édition de la lettre royale du 27 octobre 18731. Je vous prie de bien de croire que si minime que soit ma part, je n’hésite pas à la réclamer tout entière du moment où il s’agit de disgrâce et de réprobation. Le danger qui a providentiellement disparu du côté de Rome est resté le même du côté de Froshdorf2. Évidemment il n’y a aucun changement à espérer de ce côté, jusqu’à l’avènement de quelque Léon XIII... je suis de ceux qui n’en ont pas douté un instant depuis sept à huit ans, dire qu’on ne veut rentrer en France comme roi que lorsque Dieu sera rentré comme maître, c’est dire qu’on n’y veut jamais rentrer. Ce retour de Dieu et du roi dans notre France moderne, bras dessus bras dessous et l’un poussant l’autre, ce n’est pas de la politique, c’est du miracle dans sa naïveté la plus enfantine. Passons ! Dire qu’on charge M. de Mun d’être l’interprète du roi auprès des Chers ouvriers, c’est dicter à M. de Marcère3 la prochaine dissolution des cercles d’ouvriers. Il n’y a qu’un point sur lequel on vous donne une sorte de satisfaction4 – tout en adoptant la Contre-Révolution on tient à répudier les abus de l’ancien régime et à ne pas contredire en termes formels la belle lettre à Berryer que vous avez citée - mais c’est tout, et c’est bien peu !

En attendant les événements, il n’y a de réponse possible à mon avis qu’au nom des intérêts religieux. Ah ! Si Rome voulait parler ou seulement ne rien dire, et que 8 ou 10 des évêques qui étaient l’autre jour à Orléans eussent le courage de dire ce qu’ils pensent ! Ce serait cause gagnée et peut-être notre pauvre pays sauvé. Quoi qu’il arrive et malgré de nombreux désagréments personnels, je vous reste très reconnaissant de m’avoir fourni une occasion de me dégager uniquement d’un parti qui n’a jamais été le mien et qui perdra tout dans l’avenir comme il a tout perdu dans le passé. Adieu mon cher Monsieur de Falloux, et croyez à mon sincère dévouement.

L. de Gaillard

P.S. Parmi les adhésions5 que j’ai été chargé de vous transmettre, je dois signaler celle du père Didon6 qui veut que vous en soyez averti.

1Il s’agit de la lettre du comte de Chambord adressée au général Chesnelong annonçant sa renonciation au trône de France.

2Résidence autrichienne du comte de Chambord.

3Emile Deshayes de Marcère (1828-1918), magistrat et homme politique. Élu par le département du Nord à l’Assemblée nationale de 1871, il siège avec le centre gauche et soutient la politique de Thiers. Farouche partisan de la République, il conserve son siège jusqu’en 1884, date à laquelle il est élu sénateur inamovible.

4Hostile à la campagne d’A. De Mun pour une contre révolution irréconciliable avec la République, Falloux le fait savoir en publiant une brochure, De la Contre-Révolution, Paris, Douniol, 1878.

5Au Correspondant, dont L. de Gaillard est le rédacteur en chef.

6Didon Henri Louis Rémy (1840-1900), dominicain. Élève du petit séminaire, il avait pris l'habit dominicain dés 1856. Il avait été ordonné prêtre en 1862.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «26 novembre 1878», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1878,mis à jour le : 24/11/2022