CECI n'est pas EXECUTE 31 janvier 1879

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31 janvier 1879

Gaston de Ludre à Alfred de Falloux

Paris, 31 janvier 1879

Monsieur le comte,

C’est hier seulement à mon retour de voyage que j’ai lu le Correspondant du 25 Janvier.

Je vous remercie du très grand honneur que voulez bien me faire en citant un passage de mon étude sur Charles X1.

Être cité par vous et en même temps être approuvé dans un des plus curieux et des plus remarquables articles qui soient sortis de votre plume, il y a là, en vérité, de quoi rendre fière. C’est ma mère qui m’a raconté les visions de M. de Polignac2 qui se croyait en communication avec la Sainte vierge. Je ne pense pas néanmoins que les visions aient eu une influence prépondérante sur les résolutions de celui qui avait, selon l’énergique expression du Royer-Collard3 «  les ordonnances écrites sur le visage ».

Nul n’est prophète en son pays. Ma mère4 que mes articles n’avaient pu rendre indulgente pour Charles X5 me disait hier : depuis que j’ai lu Monsieur de Falloux, je me sens un peu ébranlé.

C’est qu’en effet, tout ce qui sort de votre plume a un tel caractère d’éloquence et de sincérité que lorsqu’on se trouve en désaccord avec vous sur quelque point de détail on se sent très troublé et très hésitant.

Nous voici donc dans la république pour de bon comme le dit ce matin Gambetta. Je n’en suis que médiocrement affligé. J’applique à cette forme de gouvernement que je déteste le Suum cuique6. Qu’elle est le bénéfice ou le maléfice de ses actes. Tant que le Maréchal7 était à l’Élysée nous portions la peine sans recueillir le profit.

Tout ce qui se passe doit, sans doute, vous ramener davantage vers les souvenirs moins tristes du passé. Le présent en est un vilain rejeton. J’attends avec une vraie impatience la suite du bel hommage que vous rendez à notre grand évêque8.

Pardonnez-moi, Monsieur le comte, de vous fatiguer si longtemps de ma prose écrite et de ma prose imprimée et veuillez agréer l’expression de mon entier dévouement.

Ludre

1Gaston de Ludre s’apprêtait à publier Charles X et ses nouveaux historiens. Le Ministère Polignac, Paris, Jules Gervais Editeur, 1880.

2Jules de Polignac (1780-1847) principal responsable aux yeux de Falloux de la chute du régime de Charles X, il présida le Conseil des ministres du 8 août 1829 au 29 juillet 1830.

3Royer-Collard, Pierre Paul Royer dit (1763-1845), homme politique libéral et philosophe. Un des principaux défenseurs d'une monarchie libérale sous la Restauration, il fut l'un des chefs de l'opposition au ministère libéral. Il avait été élu par sept collèges aux élections de 1827.

4Télésie de Ludre, née de Girardin (1881-1886).

5Charles-Philippe de France, comte d'Artois (1757-1836), roi de France et de Navarre de septembre 1824 à août 1830, sous le nom de Charles X.

6«Il faut rendre à chacun ce qui lui est dû ».


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «31 janvier 1879», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République, 1879, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 25/11/2022