CECI n'est pas EXECUTE 25 mars 1880

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25 mars 1880

Charles de Lacombe à Alfred de Falloux

Clermont, 25 mars 1880

Cher ami,

Mon frère1 m’a fait part de vos bonnes lettres, je vous en remercie cordialement. Votre amitié ne m’oublie point, et je me repose avec une confiante gratitude sur elle pour le moment, encore éloignée peut-être, où une décision sera prise. D’ici là, je compte vous revoir à Paris car vous y viendrez certainement pour l’élection de l’Académie, dont le succès des Noces d’Attila2 semble entre parenthèses réserver le bénéfice à Bornier3. Ce sera avec une grande joie que je recommencerai mes visites matinales à l’hôtel Falloux qu’il soit rue de l’Université ou ailleurs. Je ne sais si vous avez pu voir Andral ou lui écrire avant votre départ ; il serait bien naturel que le temps vous eût manqué. Je tiens, en tous cas, à vous faire savoir ce que j’ai fait, de mon côté. J’ai envoyé une lettre détaillée à Anatole de Glasier, lettre qu’il pût lire à Andral et dont il pût l’entretenir, à la fois comme ami commun et comme magistrat ; il m’a semblé qu’à ce double titre, et avec son caractère modéré, il était en bonne situation pour traiter l’affaire avec Andral. Il n’a pu le joindre encore mais, à son retour d’un voyage, il doit le voir dans les derniers jours de la semaine de Pâques. Sa démarche n’aiderait pas votre intervention et ne recevrait au contraire de celle-ci que plus d’autorité. Quant à la question du libre usage des papiers, elle est naturellement distincte de ce premier point, et c’est à la réunion du mois de mai qu’elle pourra être traitée et par vous seul. Une solution favorable serait pour mon travail de la dernière importance à vrai dire même toute publication serait entravée par le refus ou l’indécision ; mais entre vos mains, je suis bien sûr que la négociation sera heureuse. Je commence ou plutôt, je recommence de loin mon enquête pour obtenir des renseignements ; j’ai été jusqu’à l’Élysée, où demeure un officier d’ordonnance de M. Grévy, du nom de Liechtenstein4, fils d’un des plus anciens camarades de M. Berryer et qui m’a fort obligeamment répondu à Juilly aussi, on me cherche des souvenirs. Vous avez sans doute ouï parler en Anjou d’un certain emprunt qui se ferait par l’intermédiaire de MM. Aubry5 et Bontoux6, je ne vous en dis pas davantage ne doutant pas que vous ne connaissez l’affaire et que nos impressions ne se rencontrent pour la juger. Qu’est ce donc que ce conflit entre le curé et la cathédrale d’Angers et le P. Forbes ! Faut-il que des rangs des catholiques on prête secours ou prétexte à un régime si fort embarrassé d’appliquer les lois prétendues existantes. Vous savez, cher ami, quels vœux nous formons ici pour le Bourg d’Iré ; veuillez en être l’interprète et croyez toujours à ma tendre affection.

Ch Lacombe

J’avais lu dans le Figaro que les Noces d’Attila avaient eu le plus grand succès. Voici que le Français rabat beaucoup de cet enthousiasme. J’ignore ce qui en est mais quel grief a-t-on donc contre Rome pour qu’une feuille conservatrice prenne ainsi l’initiative des mauvaises nouvelles à son égard ? J’allais oublier de vous dire que le Dr Imbert doit passer du 15 au 20 avril près du Bourg d’Iré et qu’il se propose d’aller reprendre avec vous la conversation de Royat7. Hier encore il me demandait de vous annoncer sa visite ; il se pique d’être toujours le même, mais j’espère qu’il n’aura pas respirer en vain l’air du Bourg d’Iré.

1Hilaire de Lacombe

2Pièce d’Henri Bornier. Voir notre infra.

3Bornier, Henri Étienne Charles de (1825-1901), poète, romancier et critique théâtral. Auteur de très nombreux ouvrages dont La Fille de Roland (1875) et Les Noces d'Attila (1880), ce n'est qu'en 1893 qu'il sera élu à l'Académie française.

4Émile-Philippe-LouisAlexandre de Liechtenstein (1791-1855), militaire.

5Maurice Aubry (1820-1896), banquier et homme politique. Il avait été élu député des Vosges dans l’Assemblée nationale de 1871 et siégea avec la droite conservatrice.

6Paul Eugène Bontoux (1820-1904), industriel, banquier et homme politique. Monarchiste et catholique, il avait fondé , en 1878 une banque catholique, L'Union générale, qui suite à de multiples opérations de spéculation s'était effondrée en janvier 1882 entraînant avec elle la faillite de plusieurs agents de change de la Bourse de Lyon puis de la Bourse de Paris.

7Royat est une station thermale du Puy-de-Dôme.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «25 mars 1880», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1880,mis à jour le : 30/11/2022