Année 1852 |
24 décembre 1852
Alfred de Falloux à Francisque de Corcelle
24 décembre 1852
Cher ami,
Vos lettres vous rendent si vivant et si présent devant mes yeux que j’ai toujours hâte de leur répondre comme si je vous répliquais en dialoguant au coin du feu. Je ne puis le faire cependant aujourd’hui qu’en un surcroît de brièveté, car je suis pris d’un gros rhume qui empêche mon gosier de dicter et mes yeux te voir ! À cela près, je suis très ingambe.
Mon petit secrétaire va se mettra tout de suite à votre copie et je vous l’expédierai promptement j’espère. Armez-vous d’avance d’indulgence pour l’écriture et l’orthographe.
L’évêque d’Orléans1 s’annonce au Bourg d’Iré pour le commencement de janvier. Quelles étrennes si vous étiez de la partie !! Vous voulez m’enlever jusqu’à l’espérance, mais je n’y suis pas encore résigné et je veux toujours me flatter que quelques uns des saints avec lesquels vous êtes en commerce si habituel me seconderont dans l’un de mes vœux les plus ardents, de quelque façon miraculeuse. Je ne vous avais pas assez dit combien ma femme s’est unie aux jouissances de vous lire et au besoin de vous remercier, parce que je vivais toujours sur l’illusion d’un prochain revoir. Veuillez donc bien comprendre cette omission et lui en tenir compte.
J’ai pris part à la perte de Monsieur Arnold Scheffer2 comme à une affection mienne parce qu’elle était vôtre. Si vous avez une occasion de me nommer à son frère vous serez vrai comme à votre habitude, en me rangeant parmi l’un de ceux qui le plaignent le plus et s’en occupent davantage, entre tous ses admirateurs inconnus. Je lui dois d’ailleurs une bien grande reconnaissance personnelle et ne l’oublie point.
Corrigez vous de l’humilité, cher ami. Il y a peu de gens auxquels on puisse sincèrement faire entendre un tel reproche, mais vous êtes très incontestablement de ce petit nombre. Quand elle vous désintéresse du travail, des secours à prêter à plus faible que vous, et vous porte à méconnaître tous les services dont vous êtes encore gros, elle fait la courte échelle, à son insu sans doute, à une foule de diablotins subalternes qui finirait par jouer les plus mauvais tours, qui sait même si 1 péché mortel tel que la paresse, par exemple, ne parviendrait pas un jour à en profiter ? Texte de méditation entre Noël et le 1er de l’an.
Je ne vous parle pas de mes vœux, cher ami ; soyez sûr que ce seront des prières bien profondes et bien ferventes comme mon amitié.
Alfred
2Arnold Scheffer (1796-1853), ami intime de F. de Corcelle, il avait été un proche de Lafayette. Il était l'auteur de De l'état de la liberté en France.
Arnold Scheffer (1796-1853), proche de Lafayette, il était l'auteur De l'état de la liberté en France.
