CECI n'est pas EXECUTE 23 avril 1868

Année 1868 |

23 avril 1868

Léopold de Gaillard à Alfred de Falloux

Paris (Le Correspondant), 23 avril 1868

Cher Monsieur et très honorable ami,

Le prince Galitzin vient m’annoncer deux bonnes nouvelles : vous arrivez et avec un article ! C’est le 15ème des <mot illisible> et le Correspondant entraîne le sien, les yeux tournés vers le Bourg d’Iré. Inutile, j’espère de vous répéter ce que nous a déjà écrit l’excellent Galitzin, à savoir que Le Correspondant du 10 mai est tout à vous comme celui du 251 et tous les autres. Vous y serez dans la compagnie qui est la vôtre avec Mgr d’Orléans2 probablement et avec Laprade3 sûrement. A propos de cette compagnie, je sors à l’instant de l’Académie où M. Favre4 et M. de Rémusat viennent de faire assaut d’éloquence sur le mémoire de M. Cousin5. Je ne sais si mes impressions sont exemptes de toute <mot illisible> contre vos banquettes si dures où j’ai dû subir 4 heures 1/2 d’immobilité, mai le discours de Favre m’a paru long, lourd, inspiré quelquefois par un sentiment élevé, plus souvent par un sentiment personnel. Cette parole justement vantée pour sa correction, au bureau et à la tribune ne s’est pas trouvée dans le ton de l’Académie. Il faut là plus que la correction banale, il faut la correction raffinée, il faut l’élégance, il faut le charme. Outre la banalité d’une éloquence habituée à se prodiguer, on peut lui reprocher aussi la banalité du fond. Évidemment depuis le jour où il suivait les leçons de Cousin jusqu’à celui où il a du préparer son éloge, les écrits autant que la personne du philosophe sont restés ignorés de l’orateur populaire. Je me souviens avoir chaudement applaudi deux ou trois passages animés d’un vrai souffle spiritualiste et déiste ? C’est hélas ! tout ce qu’on peut demander au chef du <deux mots illisibles> le triste temps du Syllabus6 et de polémique à outrance. Ah ! Quelle profession de foi chrétienne nous aurions eus sous le Pie IX des premières années7 ! L’auditoire s’est montré banal et bruyant comme le discours. En somme succès médiocre. <Mot illisible> a repris tous les avantages et s’est retrouvée chez elle avec M. de Rémusat. Malheureusement j’ai perdu beaucoup de son discours, mais au moins j’ai reconnu et plusieurs fois j’ai entendu le pauvre Cousin.

Adieu, cher Monsieur et ami, j’ose croire qu’il ne vous sera pas désagréable d’avoir des discours <mot illisible> des impressions de <mot illisible> sur la séance de cette après-midi. J’ai relevé dans le discours de Jules Favre un passage sur les femmes du 17e siècle qui aurait pu être interprété contre l’évêque d’ Orléans et qui a manqué son effet. J’attends votre copie le plus vite qu’il vous sera possible et dans tous les cas avant votre arrivée. Je suis comme toujours votre très dévoué et très affectueusement.

Léopold de Gaillard

 

 

1Le Correspondant paraît alors le 10 et le 25 de chaque mois.

3Laprade, Victor Richard de (1812-1883), poète et littérateur. Il fut nommé professeur de littérature à la faculté des lettres de Lyon en 1848. De sentiment légitimiste et catholique libéral, il collabora au Correspondant et fut élu à l’Académie française le 11 février 1858. En 1861, suite à la publication, par le Correspondant, de ses Muses d’État, Laprade fut révoqué en tant que fonctionnaire et la revue reçut un avertissement.

4Jules Favre élu à la place vacante par la mort de Victor Cousin avait prononcé son discours de réception le 23 avril 1868.

Favre, Jules (1809-1880), avocat et homme politique. Il devint vite l’un des chefs les plus célèbres du Barreau de Paris, principalement dans les affaires politique. Ardent républicain, il fut secrétaire général au ministère de l’Intérieur, en 1848, sous Ledru-Rollin. Élu lors des élections partielles de 1858, il devint l’un des chefs de l’opposition républicaine au Corps Législatif. Avec quatre autres républicains (Ollivier, Darimon, Hénon, Picard), il forma, à partir de la session de 1859, le groupe dit des Cinq, opposition majeure à l’empire autoritaire jusqu’en 1863. Il fut réélu en 1863. Après la chute de l’Empire, il se vit confier le poste de ministre des Affaires étrangères ; il se chargea d’organiser la résistance aux Prussiens et négocia un traité de paix.

5Cousin, Victor (1792-1867), professeur de philosophie et homme politique. Disciple de Royer-Collard, il avait bien connu Hegel, Jacobi et Schelling en Allemagne. Il fut directeur de l'École Normale. Conseiller d'État sous la Monarchie de Juillet, il fut nommé pair à vie en 1832. Il fut ministre de l’Instruction publique dans le cabinet Thiers, en 1840. Sa philosophie éclectique devint la philosophie officielle sous la Monarchie de Juillet. Retiré de la vie politique après le coup d’état du 2 décembre, il se consacra à ses travaux académiques et philosophiques. Entré à l’Académie française en 1831, il écrivit de nombreux ouvrages dont De la métaphysique d’Aristote (1835), Leçons sur la philosophie de Kant (1844), La Société française au XVIIème siècle d’après le Grand Cyrus (1858).

6Publiés fin décembre 1864, le Syllabus et l’encyclique Quanta cura portaient condamnation des principales idées prônées par les catholiques libéraux.

7Pie IX fut dans un premier temps partisan d’un certain libéralisme.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «23 avril 1868», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1868,mis à jour le : 04/07/2023