CECI n'est pas EXECUTE 18 novembre 1873

1873 |

18 novembre 1873

Louis de Carné

Au Perrenou1, le 18 novembre [1873]

C'est sans motif, mon cher ami et confrère, que vous me félicitez d'un acte qui m'était inspiré par le sentiment de mon devoir. Je ne pouvais manquer de saisir une aussi opportune occasion de dire quelques bonnes vérités à ce malheureux public ecclésiastique condamné à n'en jamais entendre. Je ne me fais d'ailleurs nulle illusion sur la portée de mon humble protestation. Si j'en juge par ce qui se passe autour de moi, elle m'aura fait beaucoup plus de mal qu'elle ne vous fera de bien, car l'aveuglement est arrivé au dernier degré dans mon pauvre clergé breton. Il appartient corps et âme à l'Univers qui a conquis sa conversion en flattant toutes ses passions. C'est moins par la question de liberté que le mal se fait (sur celle-là, il est très partagé) que par la question d'infaillibilité pontificale sur laquelle il est ardent et unanime. Le Correspondant est mis au ban de tous les presbytères bien plus comme gallican que comme libéral.

Quel effet aura dans le milieu au sein duquel rien n'arrive que ce que ses dictateurs veulent bien lui faire connaître l'acte héroïque de l'évêque d'Orléans2 ? Je suis depuis quelques heures sous le coup de cette lecture si inattendue, pour moi et comme pétrifié à <mot illisible> d'un pareil courage. Que Dieu vienne en aide à son église dans cette heure décisive. L'orgie électorale parisienne me semble un grand scandale plus qu'un grand péril. Si la victoire demeurait aux honnêtes gens, la France aurait laissé en six mois de magnifiques exemples de nuisances publiques car elle aurait triompher du pouvoir personnel sans révolution et du jacobinisme sans émeute et sans coup d'état.
Mille félicitations pour votre précieuse participation au Français. C'est un journal parfait de tout point et qui réalise et au-delà ce que j'avais rêvé dans des circonstances plus difficiles. Je ne sais trop pourquoi M. Beslay3 n'a pas inséré ma lettre à l'Univers après me l'avoir lui-même annoncé. J'attends de jour en jour la délivrance de ma belle-fille. Sitôt après ses couches je partirai pour Paris.
Recevez mon cher ami l'assurance de mes sentiments aussi affectueux qu'irrévocable
L. De Carné

1Château du Pérennou, à Plomelin (Finistère), demeure de Louis de Carné.

3Beslay, François (1835-1883), avocat et journaliste. Avocat en 1856, il était entré en 1860 à la Société d'économie charitable où il s'était lié d'amitié avec Armand de Melun, un proche de Falloux. Entré au Français dés sa fondation, il en était le rédacteur en chef.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «18 novembre 1873», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, 1873,mis à jour le : 05/10/2023