1885 |
30 décembre 1865
Henri-Louis Chapon à Alfred de Falloux
Orléans, 30 décembre 1885
Monsieur l e comte,
J'avais eu l'espoir de vous revoir à Rochecotte avant la fin de cette année mais le triste voyage que je viens de faire à Tours pour y assister madame Duboys à ses dernières moments éloigne tous mes autres projets de vacances. Permettez-moi donc de vous exprimer ici le vœu que mon cœur forme pour vous et que ma prière confie à la bonté de Dieu.
L'affaire Freppel a ramené bien vivement ma pensée vers vous. On a mis rarement plus d'hypocrisie dans la violence et il est bien triste de voir que Rome hésite, et n'est-ce qu'une hésitation, à frapper un coupable que lui livre l'indignation publique1. L'autre jour en passant à Paris j'ai trouvé l'abbé Bernard2 très ardemment préoccupé de cette affaire et s'agitant beaucoup pour obtenir l'intervention de l'archevêque de Paris3. Il m'écrit hier qu'il a obtenu du cardinal une lettre à Mgr Freppel qu'il qualifie de véritable bijou. On l'envoie à Rome où l'on espère qu'elle aura une grande influence sur la décision finale. Mgr Perraud4 s'y rend également mais qu'espérer de lui après la lettre que vous connaissez et cette phrase où il paraît livrer ses maîtres et ses amis ?
Mgr Thomas5 ne paraît pas intimidé, car il envoie de toutes parts un discours relié avec ostentation et sans l'avoir modifié d'un iota. Il me l'a adressé et je me suis permis de lui dire : vous êtes assez fort pour exiger une réparation publique La vie de Mgr Pie vient de paraître. Mgr Baunard6 a eu l'effronterie d’en offrir les prémices aux Annales religieuses d'Orléans. Je dois dire que Mgr Coullié7 l’a énergiquement refusé. Ce serait trop cruel de l'en louer.
Mr de La Combe est très ému des injures accueillies contre Berryer par le Correspondant et a dû sans doute vous en écrire8 il a depuis longtemps là velléité d'aller vous voir.
Tous vos amis vu tous les amis de la vérité se réjouissent bien de l’œuvre que vous faites en ce moment en achevant vos mémoires. Pour ma part je prie Dieu qu'il vous inspire et vous soutiennent jusqu'au bout dans cette œuvre de sincérité et de justice dans notre histoire contemporaine a tant besoin.
Veuillez agréer, Monsieur le comte, la nouvelle expression de mon profond respect et de mon plus affectueux dévouement en NS.
Chapon
1Sans doute est-il fait allusion au vote de l’évêque d’Angers en faveur des crédits pour l’expédition du Tonkin à laquelle la droite était tout à fait opposée.
2Bernard Eugène (1833-1893), prêtre ordonné en 1858, successeur du Père Gratry à l’École normale supérieure, il sera nommé chanoine honoraire de Paris.
3Mgr Guibert Joseph-Hyppolyte (1802-1886), archevêque de Paris depuis 1871, il avait été nommé cardinal par Pie IX en 1873. Il donnera sa bénédiction au mariage d'Anne de Mackau et du comte Humbert de Quinsonas célébré le 2 mai 1882 à l'église Saint-Philippe du Roule, à Paris.
4Mgr Perraud Adolphe Louis Albert (1828-1906), prélat. Prêtre de l'Oratoire de France en 1855, professeur d'histoire de l’Église à la Sorbonne en 1865, il fut nommé évêque d'Autun en 1874, puis cardinal en 1893. Normalien de la promotion, Sarcey, Taine, Weiss, il fut l'auteur de plusieurs ouvrages religieux, l'Histoire de l'Oratoire en France au XVIIIe et au XIXesiècle, de plusieurs études sur le cardinal de Richelieu, le Père Gratry, d'oraisons funèbres et de panégyriques. Il fut élu à l'Académie le 8 juin 1882 en remplacement d'Auguste Barbier qui avait exprimé, avant de mourir, le désir de l'avoir pour successeur, et reçu le 19 avril 1883 par Camille Rousset. Lorsque S. E. le cardinal Perraud arriva au conclave de 1903 qui suivit la mort du pape Léon XIII, le cardinal camerlingue le complimenta et le félicita d'appartenir à l'Académie française.
5Mgr Thomas, Léon Paul Charles (1824-1894)., évêque de Poitiers depuis 1867. Il sera promu archevêque de Rouen le 24 mars 1884.
6Baunard, Louis (1828-1919), vicaire, puis chanoine de la cathédrale d’Orléans. Docteur en théologie, essayiste, il collaborait au Correspondant.
8Voir effectivement sa lettre du 27 décembre 1885 à Falloux.
