CECI n'est pas EXECUTE 1877-1878

1877 |

1877-1878

Julie de Chevreuse à Alfred de Falloux

[1878]

Je ne veux pas, Monsieur, refuser l’essai que vous me demandez mais je sens qu'il faut plutôt un miracle de la grâce pour vous convaincre des paroles venant de la personne la plus ignorante et la plus incapable. Quand le souverain pontife a parlé, quand les docteurs de l'Église on parlé, que pourrais-je dire moi qui n'ai que la foi et la soumission, si ce n'est que je voudrais vous voir vous en rapprocher au schéma et ne pas prendre la défense du mémorandum. Après le mariage de mon fils lorsque j'aurai l'esprit plus libre j'essaierai de vous écrire dans la chapelle de Madame Swetchine et sous l'inspiration de notre Seigneur. Pour répondre au passage de <nom illisible> que vous avez bien voulu me remettre j'ai besoin aussi d'étudier plus sérieusement le règne de Louis XIV car dans mes souvenirs historiques je n'ai pas souvenance qu'il ce soit laissé diriger par aucun homme et son autographe avec Colbert que ma belle-fille possède m'a fait voir avec quelle autorité il donnait ses ordres. Je ne le trouvais que trop despote tout en reconnaissant cependant qu'il avait rendu de plus grands services à la France que Louis XVI dont j'admire infiniment plus la vertu mais qui n'était que trop disposé aux concessions. Vous voudriez, me dites vous, Monsieur, que Monseigneur le comte de Chambord put discuter ses projets et ses désirs avec les hommes capables qui sont dans ce moment à la tête des affaires; mais permettez-moi de vous le dire la discussion ne pourrait se faire à armes égales. Vous pouvez donner à Monseigneur toutes les raisons que vous avez de lui voir prendre le drapeau tricolore et bien vous êtes au fond de votre conscience si lui pouvait vous donner toutes les raisons qu'il avait pour le refuser. Dans sa grandeur d'âme il n'en parlera jamais, comme Madame Élisabeth, sa digne tante, il peut dire j'ai tout vu, tout entendu, tout oublier, tout pardonner. C'est comme un fils qu’il a reçu le comte de Paris dans ses bras ne lui demandant aucune excuse et maintenant les amis de ceux qui pourraient avoir des regrets de la conduite de leurs ancêtres, voudraient que Monseigneur non seulement pardonnâtt mais qu'il eu l'air aux yeux de la France entière d'approuver cette conduite. Qu'il prit cette cocarde des d'Orléans premier drapeau de la révolution qui renversa sa race que Philippe Égalité portait lorsqu'il vota sans sursis la mort de Louis XVI, que Louis-Philippe repris lorsque nommé lieutenant général du royaume ils s'empara du trône qu'il devait conserver à son neveu. En demandant que le comte de Chambord oublie tous les torts que l'on a eu vis-à-vis de lui vous voulez placer sans cesse devant son regard ce qui peut lui rappeler ses torts mais c'est le condamner à un véritable supplice.

Pour moi, je vous l'avoue, Monsieur, et dans tout ceci c'est moi seule qui parle comme je vous l'ai déjà dit. Le comte de Chambord a plus de vertus que moi puisque comme notre Seigneur il accepte tous les sarcasmes et il se tait. Pour moi je regarderai cet acte de faiblesse comme une honte.

Je sais toute la force qu'a le ridicule en France, c'est par le ridicule qu'on veut dans ce moment démolir ce caractère qui est bien tout ce qu'il y a de plus noble et de plus élevé et je n'entendais pas sans un frémissement intérieur madame de Montalembert1 il y a 2 jours chez moi comparer le compte de Chambord à un évêque in partibus qui ne veut rentrer dans son diocèse que lorsque tous ses diocésains seront convertis. J'ai eu peur d'être trop vive, j'étais chez moi, je me suis tu. Nous savons trop dans cette semaine ce qu'on a dit de N.S. Le comte de Chambord a-t-il jamais demandé quelque chose à la France, non, et il est prêt à tout lui donner, son cœur, son dévouement, sa vie. Dans l'exil, il n'a voulu s'entourer que d'amis assez dévoué pour n'avoir à leur promettre aucun honneur et pour pouvoir prendre ses ministres dans tous les partis lorsqu'il serait appelé au trône. En défendant ses idées il n'a de fiel pour personne et il acceptera tous ceux qui voudront l'aider loyalement à la prospérité de la France. Il sent que Dieu seul peut éclairer leurs esprits et leur faire comprendre que ce qu'il demande n'est pas impossible mais que pour bien gouverner il faut avant tout l'accord entre ceux qui gouvernent. À quoi aboutissent toutes ces discussions de la chambre, à la stérilité nous le voyons, aucun bien ne peut se faire l'union seul sera notre force et pour l'obtenir il faut se grouper autour du chef qui a reçu de Dieu mission et grâce.

Quel que soit le sort que Dieu réserve au comte de Chambord il sera sûr d'avoir une belle page dans l'histoire qui saura reconnaître tout ce qu'il y a dans ce caractère de la loyauté, de justice, d’honneur de grandeur d'âme. L'histoire jugera aussi ceux qui se disant légitimiste n'ont pas voulu l'aider dans sa tâche. elle a déjà jugé Cabura qui après avoir reçu tant de blessures glorieuses pour la cause légitime, vient d'en faire une à son honneur qu'il ne guérira jamais. Peut-être me trouverez-vous bien vive , Monsieur, dans notre triste siècle d’anémie. J'ai le malheur cela est vrai de sentir trop vivement pardonnez-moi monsieur si j'ai dit quelque chose qui put blesser vous ou les vôtres ce n'était pas mon intention. Pardonnez-moi cette lettre écrite peut-être trop à la hâte ayant beaucoup de choses à faire et agréez Monsieur l'assurance de mes sentiments distingués

Duchesse de Chevreuse

Je voudrais que le maréchal2 consentit à faire dire où je l'aimerais mieux à dire lui-même à la tribune que voyant qu'il ne peut gouverner la France avec la majorité qui l'a nommé il vint dégager les députés de leur engagement qu'ils ont pris vis-à-vis de lui en votant le septennat voulant ne pas gêner et leur conscience et laisser le champ libre à la monarchie après ces quelques mots du maréchal je voudrais qu'un autre membre de la Chambre montât à la tribune pour louer la loyauté du maréchal ne voulant pas empêcher la France de revenir au régime monarchique qui seul peut la sauver. Le roi aussi est prêt à venir ajouterait t-il, il est à Dampierre à 9 lieu d'ici

Je souhaiterais monsieur collet prince d'Orléans fusent aussi à Dampierre autour du roi. Si vous croyez que je puisse voir le Maréchal ce soir après avoir été dîner chez les Montesquiou3 n'importe où il le voudra et si vous pouvez m'obtenir un mot de lui pour Monseigneur le compte de Chambord je partirai cette nuit même pour Frohsdorf4. Il me semble bien essentiel si nous voulons faire quelque chose de ne pas perdre un jour. La promptitude et la discrétion sont deux choses bien importantes pour le succès. Maintenant je ne crains nullement de me compromettre, j'avouerai toujours hautement tout ce que j'ai fait dans ma vie

Duchesse de Chevreuse

 

1Marie-Anne Henriette dite Anna de Montalembert, née de Mérode (1818-1904), veuve de Charles de Montalembert avec qui elle s'était mariée en 1836/

2Mac Mahon. Il est alors au pouvoir ayant succédé en 1873 à A. Thiers comme président de la République.

3Montesquiou-Fezensac, Philippe, duc de Fezensac (1843-1913).

4Résidence autrichienne du comte de Chambord.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «1877-1878», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1877,mis à jour le : 21/10/2023