CECI n'est pas EXECUTE 9 juillet 1859

Année 1859 |

9 juillet 1859

Jean François Cloppet à Alfred de Falloux

9 juillet 18591

Monsieur le comte,

Voici la petite note de l'ancienne femme de chambre de notre bonne et heureuse madame de Swetchine.

Nous sommes partis pour Saint-Pétersbourg le 15 août 1834. Nous sommes arrivés le 19 septembre, nous en sommes repartis le 7 février 1835 et nous sommes arrivés à Paris le jour des cendres et entrés à la chapelle Saint-Vincent de Paul, rue Montholon, pour y recevoir des cendres. J'aurais bien voulu, monsieur le comte, si mon état de santé n'avait pas été si mauvais vous donner quelques notes sur les dernières années que j'ai eu l'honneur de la servir; en effet plus, je pense plus je suis convaincu que la chère femme a abrégé ses jours de bien des années en voulant rendre service à ses semblables de toutes les classes et en se rendant l'esclave de tous. En voici une preuve : le matin en revenant de la messe, en lui servant son déjeuner elle me disait aujourd'hui je suis très pressé j'ai beaucoup à écrire et beaucoup de choses en retard à faire je défend ma porte pour tout le monde sans exception je vous en prie répéter tel qu'on laisse entrer personne je vais m'enfermer pour ne pas être dérangé puis en se levant de table elle me disait en souriant vous savez cependant les personnes qui ont absolument besoin à me parler et surtout les petites gens qui viennent de loin et qui n'ont pas le temps de revenir vous me les annoncerez; un moment après être rentré dans le salon elle revenait me dire j'avais oublié que Madame X m'a demandé pour me voir seul point, une demi-heure après arrivaient une ou deux lettres demandant un rendez-vous pour la voir seule ; enfin si une intime amie qui venait chaque matin pour t'embrasser ; une personne arrivant de la campagne en passant demandait à la voir un moment seule ce qui se prolongeait jusqu'à l'arrivée d'une autre.

Une pauvre femme arrivée pour lui raconter ses peines et ses misères ; un professeur ou une institutrice sans occupation pour se recommander à sa bienveillance puis de 3 à 4h sa porte était ouverte pour tout le monde et on arrivait en foule enfin jusqu'à 7h et quelques fois 8h et je l'ai vu se mettre à table accablée de fatigue des personnes arrivées déjà pour la voir seul avant que tout le monde arrive pour la soirée ; alors elle se levait de table sans finir de dîner ; il va sans dire qu'elle n'avait pas changé de toilette ainsi depuis 6h du matin jusqu'à 1h et 2h du matin. Voilà la vie laborieuse que l'excellente femme menait et souvent même sans dormir tant elle était fatiguée et énervée. Elle était cependant au milieu d'amis qui l’aimaient et la chérissaient mais ils ne s'apercevaient pas qu'ils la fatiguait et épuisaient ses forces surtout les 5 ou 6 dernières années mais tout le monde était si heureux de la voir et de l'entendre parler car je ne crains pas d'être démenti en disant qu'elle avait une conversation qui charmait et elle avait le talent qui n'appartient qu'à bien peu de monde, le langage pour chaque classe de la société qu’elle voyait elle savait si bien consoler les pauvres dans leur misère et les riches dans leur chagrin domestique les mères de famille qui venaient demander des conseils pour leurs enfants; elle savait si bien consoler et remonter le moral des gens affligés en sortant de chez elle on voyait le consentement sur toutes les figures de ceux qui étaient venus chercher des consolations. Si ces quelques lignes peuvent vous être agréable et de quelque utilité, Monsieur, je me trouverai très heureuse d'avoir témoigné toute ma reconnaissance ou ma bienfaitrice bien regrettée pour moi et tous les miens.

J'ai appris avec peine, Monsieur le comte, la perte douloureuse que vous venez de faire de Monsieur le Marquis de Caradeuc. Je vous prie de témoigner toute ma peine à madame la comtesse de Falloux J'espère, Monsieur le comte, que votre santé continue à s'améliorer et que vous reviendrez bientôt vous installer à Paris. Pour moi, je vais un peu mieux depuis 8 jours les médecins m'envoient au Mont-Dore pour aller chercher un peu de santé je pars le lundi 11 courant et je compte y passer un mois. J'ai bien l'honneur d'être, Monsieur le comte, votre tout dévoué serviteur.

Cloppet2

 

1Cette lettre comportait plusieurs fautes que je me suis permis pour partie de corriger.

2Serviteur de Mme Swetchine.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «9 juillet 1859», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1859,mis à jour le : 22/10/2023