CECI n'est pas EXECUTE 7 novembre 1854

Année 1854 |

7 novembre 1854

Francisque de Corcelle à Alfred de Falloux

7 novembre 1854, Essay1

Je reçois, mon cher ami, votre billet du 2, en gémissant d'être ici retenu pour de petites affaires et des devoirs auxquels ils m'est impossible de me soustraire. Que j'aurais été heureux de vous revoir! Il m'eut été doux aussi de causer à droite et à gauche de l'affaire qui nous intéresse, de sonder les dispositions des uns et des autres, de vous témoigner, en un mot mon ardent désir de succès. Nos dernières lettres se sont croisées. Je ne reproduis pas ce que je vous mandais de la réponse de Rémusat. Il me paraît évident que vous devez le voir, s'il est à Paris. Voilà déjà quelques temps que nous n'avons de ses nouvelles et j'ignore s'il a devancé son retour pour les grandes séances académiques. Il y a 3 ou 4 semaines, il n'avait pas le projet de revenir avant la fin de novembre. Ses fils seuls était installés depuis quelques jours, dans la rue d'Anjou2. L'Ouverture est faite. Par conséquent, il est convenable que vous vous adressiez directement à lui, puisqu'il a exprimé une bonne volonté subordonnée à de certaines circonstances.

Alexis [de Tocqueville] venait de louer une maison à Compiègne. J'espère que sa sentait et celle de sa femme ne l'empêcheront pas de vous rencontrer. Quel jour aura lieu le vote? Monsieur de La Ferté3 m'a écrit que Mgr d'Orléans comptait sur un très petit auditoire. Les absents seront en grand nombre ce qui me porte à croire qu'on ajoutera peut-être l'élection; mais il y aura toujours moyen de consulter des personnages influents.

Mgr d'Orléans, MM. Berryer, Molė, de Noailles, Vitet, Montalembert doivent connaître parfaitement la situation, et tout ce qu'ils conseilleront sera parfait. De plus, ils auront la plus grande autorité sur leurs collègues. N'oubliez pas Ampère qui doit être revenu. Il suivra je le crois avec Alexis et Rémusat le bataillon principal. Il me semble de loin qu'en esquivant 3 ou 4 alliances qui pourraient vous faire perdre aujourd'hui, ou plus tard, deux ou trois fois plus de voix, votre campagne doit être bonne.

Mme Schwartz est sans doute bien rassurée maintenant sur la question d'honneur. La victoire sera sanglante et sombre.

J'ai lu hier soir aussi le sermon sur les morts pour admirer ce que vous admirez et me faire l'illusion d'un entretien avec vous sur les choses éternelles. Jamais la mort, le péché, la création et la rédemption n'ont été exposées par des jets plus terribles. Ce ne sont que des notes; mais comme tous les abîmes sont illuminés en peu de mots! Les commentateurs feraient bien d'apprendre là, indépendamment des conditions du salut, à quel point la diversité et la redondance des adjectifs sont nuisibles aux <mot illisiblel> substantifs. Il est vrai que cela ne s'apprend pas. On exprime bien que ce que l'on sait et ce que l'on sent. 

Vous connaissez comme moi de braves commentateurs qui tonnent contre la littérature à effet, contre les vaines images, avec tous les défauts dont il s'indignent et prodiguent leur pathos pour louer la simplicité du génie de Bossuet.

Arrivez, cher ami, à ce fauteuil qui serait si dignement et si utilement occupé. C'était une conclusion après avoir lu ce que vous venez de lire. Je rêve fauteuil en vous embrassant.

F C

Ne m'oubliez pas auprès du bien cher Rességuier et veuillez exprimer mes bien dévoués et respectueux hommages à Madame de Falloux.

 

 

1Commune de résidence de F. de Corcelle, dans l’Orne.

2A Paris, dans le 8ème arrondissement.

3La Ferté-Meung, Ferdinand de, marquis (1805-1884). Il avait épousé Clotilde Molé, la fille du comte Molé. Légitimiste, il fut l'un des partisans de la fusion avec les orléanistes.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «7 novembre 1854», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1854,mis à jour le : 14/02/2024