1871 |
11 octobre 1871
Alfred de Falloux à Couvreux (abbé)
11 octobre 1871*
Cher Monsieur l'abbé,
Monseigneur1 a dû recevoir la semaine dernière une lettre toute pleine de ma reconnaissance et de ma mise à son entière disposition, pour toutes les combinaisons qui lui conviendront le mieux, soit au Bourg d'Iré, soit ailleurs. Rien n'est changé ni ne changera de mon côté à cet égard ; mais je veux vous faire connaître, ce matin, un élément nouveau dans mon automne, et sur lequel j'ai besoin de recourir vers vous à divers titres.
L'éditeur de Madame Swetchine vient de m'annoncer qu'il était à bout d'exemplaires vivement et réclame vivement l'édition remaniée et définitive dont nous nous occupions ensemble au moment où tous les désastres sont venus fondre sur nous. Il aurait voulu cette édition pour le 1er janvier ; mais ma tête ne pouvant se prêter à la correction des épreuves dans des conditions aussi précipitées, j'ai obtenu un délai jusqu'à la fin de février. Même à ce prix, il ne m'en faudra pas moins des efforts, dont je suis si effrayé, que je prends le parti de m'installer à Angers pour tout le temps de l'impression, Madame Swetchine ayant toujours été imprimée à Angers par un imprimeur que je compte parmi mes meilleurs amis. Tout ce travail de révision de Madame Swetchine, que je viens de reprendre, avec toute l'ardeur dont je reste capable, m'a fait sentir de nouveau les lacunes qui concernent notre évêque ; il m'a toujours promis ses lettres de Madame Swetchine,, et il ne me les a jamais données. Nous voici maintenant au pied du mur, lui et moi ; pourriez-vous obtenir de lui une recherche et l'y aider ? Un livre qui, en quelques années, est parvenu à fonder un hospice, et à épuiser onze éditions considérables, ne peut manquer sans un grand regret et sans un grand préjudice, de faire à l'évêque d'Orléans la place qu'il a prise dans toutes les idées et dans tous les événements de notre temps. Voyez donc, je vous en supplie cher Monsieur l'abbé ce que vous et moi nous pouvons obtenir pour combler un vide si regrettable.
Quant à notre espoir de réunion prochaine, mon établissement à Angers ne peut y nuire en rien, puisque le moindre télégramme peut me faire retourner d'Angers au Bourg d'Iré, oui faire aller danger partout ailleurs. Seulement si l'évêque a quelque date précise, j'aimerais à les connaître, afin de prendre, d'après elle, les mesures avec l'imprimeur, avancer de retarder ma mise à l'ouvrage dans la latitude que je me suis assurée d'avance. Je dois faire entrer aussi Rochecotte dans l'ordre des prévisions. Tout mon monde a promis avec moi une visite à Madame de Castellane pour le commencement de novembre ; mais cela, comme tout le reste, est subordonné à vos décision, et il nous est aussi facile de nous y rendre un peu plus ou un peu moins avant dans une saison qui n'apporte, avant le mois de décembre, aucun obstacle au mouvement. Veuillez donc prendre près de notre cher évêque, toutes les informations qui pourront me guider, sans peser, en quoi que ce soit, sur ses plans, bien entendu,, et me mettre, au contraire,plus sûrement en mesure de m'y associer. J'aurai bientôt à vous parler aussi de l'académie et de Mme Sand2, que nous allons voir reparaître tout à l'heure pour le prix de 20 000 Fr. ; mais j'attends d'abord une réponse d'Albert de Broglie, pour nous vous donner que des détails positifs, à supposer que vous ne soyez pas déjà informé par ailleurs.
Au revoir au revoir Cher Monsieur l'abbé, cher Monsieur Lagrange3, et croyez bien tous deux à ma plus profonde, à ma plus fidèle reconnaissance. Alfred
*A.D. Maine-et-Loire
2Attribué, la première fois, à l'initiative d'A. de Falloux à A. Thiers, ce prix de 20.000 francs délivré par l'académie était sollicité par la célèbre femme de lettres.
3François Lagrange (1827-1895), secrétaire de Mgr Dupanloup; vicaire général d'Orléans en 1860, chanoine titulaire de Paris en 1880, évêque de Chartres en 1889. Il venait de publier une importante biographie de Mgr Dupanloup, Vie de Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans, 3 vol., Paris, 1883-1884.
